Étrange ambiance à Limoges mercredi soir. La ville symbole de la déroute socialiste aux dernières élections municipales était écartelée. À sa droite : le déplacement inédit dans la cité porcelainière des deux poids lourds, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, qui ont accepté, et ce sera rare pendant cette campagne régionale, de tenir meeting ensemble. À sa gauche, et à moins de cinquante mètres de là, la présence de l’exécutif de la CGT et de son secrétaire national, Philippe Martinez, venus marquer la naissance de la confédération voilà 120 ans, dans cette ville qu’on nommait encore «la Rome du Socialisme» début 2014.
Deux déplacements politiques et symboliques, traduisant dans les faits les profonds bouleversements à l'œuvre dans cette ville à mi-chemin entre les deux extrémités de la future grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. «Une provocation» pour les militants CGT ; «Un symbole» pour le premier fédéral LR de la Haute-Vienne.
Guillaume Guérin ne cache pas son désir de «capitaliser» sur le basculement de la ville. Habile rhéteur, le jeune loup, à qui l'on a souvent reproché son empressement, se veut modeste «à l'échelle de la région, on vise la victoire ; à l'échelle de la Haute-Vienne, le rassemblement de notre famille politique et le maintien de la dynamique d'union avec le centre qui a permis le succès des municipales». Le politique fait diversion sur sa droite, mais n'ignore pas qu'ici, c'est encore à sa gauche que se jouent les scrutins.
«Pas de région imprenable»
19 heures. Début du meeting. Le Palais des expositions, équipement municipal, a été privilégié au Zénith, géré par l'agglomération que préside un socialiste. 10 000 mètres carrés de hangar venteux, réduits à un carré cerné de rideaux noirs et d'affiches de campagne parfois bancales, 1 200 chaises, et une marée de cheveux gris : on était loin d'Abou Dhabi. Mais Limoges, ou ce qu'elle représente, vaut bien un effort que Nicolas Sarkozy a fait, a minima régalant l'auditoire de son tour de chant habituel. «Je dois l'avouer maintenant : mon ambition n'était pas de devenir président de la République, mais d'être un jour reçu à l'hôtel de ville de Limoges.»
Chauffeur de salle du soir, Emile-Roger Lombertie, nouveau maire de la ville avait donné le ton en ouverture : «je l'ai dit pendant ma campagne : il n'y a pas de ville imprenable. Je le redis : il n'y a pas de région imprenable». Argument qu'a entendu la tête de liste LR, Virginie Calmels qui ouvrait ici, à Limoges, le bal de ses meetings interrégionaux, comme l'avait fait son adversaire socialiste Alain Rousset le 3 octobre. Qu'on se le dise : la seconde ville de la future région, la plus grande des treize nouvelles entités, sera un enjeu fort de la campagne dans le sud-ouest.
Les limousins présents, flattés par tant d'égards, en ont eu parfois du mal à contenir leur émotion. Un ex-président de droite, ici, l'image est inhabituelle. Suffisamment en tout cas pour chauffer la salle à blanc. «On est content de voir des figures de proue ici» confesse une auditrice. Son visage bronzé barré d'une moue boudeuse, elle ose «parce que bon, jusqu'à maintenant on a toujours été la troisième roue du carrosse. Ils auraient pu venir plus tôt…Quand c'était moins facile disons.»