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Libération
Décryptage

Fiscalité sur le diesel : pourquoi le gouvernement accélère

Discrètement, Matignon a annoncé un rapprochement des taxes diesel et essence après avoir hésité à brouiller son message sur les baisses d'impôts.
Une station-essence à La Réunion en janvier. (Photo Richard Bouhet. AFP)
publié le 15 octobre 2015 à 12h43

Après l'effet papillon, l'effet Volkswagen. Le gouvernement a finalement décidé d'engager le rapprochement des taxes diesel et essence, une mesure réclamée de longue date par les écologistes, désormais rejoints par une grande partie des socialistes. L'annonce a été faite par Matignon d'un simple communiqué mercredi soir, suivie dans la foulée d'un amendement adopté à l'Assemblée. Une mission d'information parlementaire sur le diesel sera d'ailleurs mise en place la semaine prochaine, pilotée par l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho.

Une affaire rondement menée alors que, la semaine dernière, l'exécutif traînait encore les pieds. Malgré les déclarations volontaristes de Ségolène Royal dans la cour de l'Elysée, Manuel Valls avait temporisé, tout en défendant le principe d'un alignement. Finalement, afin de rapprocher le prix du gazole et celui de l'essence en cinq ans, la taxation de l'essence sera réduite de 1 centime par litre en 2016 et «la taxation du gazole connaîtra le mouvement inverse». Et en 2017, rebelote, promet le gouvernement.

Débat budgétaire

Jusque-là, l'exécutif n'avait pas très envie de voir son principal message politique de l'automne — la baisse de 2 milliards d'euros d'impôt sur le revenu pour 2016 — pollué par une éventuelle hausse de taxe. Car même si elle serait au final indolore, cette contribution supplémentaire serait subie par des millions d'automobilistes, notamment les plus modestes. Le diesel représente 80% des volumes de carburants vendus en France.

En plein débat budgétaire, Matignon a donc pris soin de préciser que cette mesure générerait une recette et non une dépense supplémentaire pour les caisses de l'Etat, qui compte l'utiliser «pour financer l'allégement de la fiscalité locale des contribuables modestes, et notamment des retraités, conformément à ses objectifs de justice sociale, partagés par la majorité parlementaire». On fait difficilement plus diplomate.

Pourquoi le gouvernement a-t-il subitement accéléré ? Mercredi dernier, les députés avaient dû se ranger au calendrier du gouvernement, la commission des Finances rejetant alors un amendement prônant une augmentation de 2 centimes par litre de la taxe sur le gazole. Mais le scandale des moteurs diesels truqués chez Volkswagen a réactivé le très vieux débat sur la nocivité du gazole et la nécessité de sortir de la «diésélisation massive» du parc automobile français, dixit Ségolène Royal. Dès 2012, un rapport sur la fiscalité écologique avait préconisé la suppression de cet avantage fiscal, chiffré l'année suivante à 7 milliards d'euros par la Cour des comptes.

La COP21 et les régionales approchent

Sur RMC et BFM TV jeudi matin, Manuel Valls a vanté une «décision importante», prise à l'issue d'une réunion d'arbitrage avec Ségolène Royal, Emmanuel Macron (Economie) et Michel Sapin (Finances). C'était «attendu depuis très longtemps», a insisté le chef du gouvernement sans vraiment expliquer la volte-face : «Pourquoi ? Tout simplement parce qu'on considère que le diesel pose un problème de qualité de l'air.» Le Premier ministre a aussi assuré le service après-vente de son autre mesure : le doublement de la prime à la conversion d'un véhicule diesel de plus de dix ans — la prime d'achat d'un véhicule essence attribuée aux ménages non imposables passera de 500 à 1 000 euros.

A l'approche de la COP21, l'annonce ne peut pas faire de mal. A moins que ce ne soit la perspective des élections régionales et la nécessité de faire un geste en direction des écolos. «Face aux divisions et aux fractures de la gauche, je n'ai qu'un mot : nous assumons de gouverner», a lancé Valls sur BFM TV. La patronne d'Europe Ecologie-les Verts, Emmanuelle Cosse, a salué sur France info «une belle victoire pour les écologistes» et «une bonne nouvelle pour la santé des Français», tout en demandant qu'on «aide plus les Français à changer de véhicules». La mesure peut difficilement être qualifiée d'électoraliste vu le nombre de conducteurs roulant au diesel. Candidate (Les Républicains) en Ile-de-France, Valérie Pécresse a d'ailleurs sauté sur l'occasion, ce jeudi matin sur Public Sénat, pour demander «qu'on aille vers la fin du diesel mais pas en taxant les pauvres automobilistes, les pauvres artisans, les pauvres commerçants à qui on a dit : achetez du diesel, ce sera moins cher». Ce qui explique peut-être la discrétion avec laquelle le gouvernement a communiqué mercredi.