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Libération
EDITORIAL

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publié le 20 octobre 2015 à 19h56

Faut-il opposer les pauvres entre eux ? A cette question, on répond spontanément non, bien sûr. Mais une fraction de l’opinion, encouragée par des politiques et des intellectuels de l’intolérance, répond d’un oui franc et brutal. La France, disent-ils, doit s’occuper des Français et cesser de se soucier des autres. Ce qui se passe à Calais est le résultat de cette dureté. Des milliers de personnes vivent là-bas dans des conditions qui révoltent la conscience. Bien sûr il est impossible d’accueillir sans limites, de s’affranchir de toute régulation de l’immigration. Aucun gouvernement ne le fait, et la plupart des associations qui s’occupent des migrants le reconnaissent volontiers. Mais dans la sixième puissance économique du monde, il est impossible de ne pas dégager des moyens suffisants pour rétablir dans la «jungle» de Calais une vie digne. Constatant la situation qui règne sur place, des centaines d’artistes et d’intellectuels se sont groupés pour signer un appel raisonnable, précis, ciblé sur une action immédiate et urgente. Une extension des installations d’accueil - bien modestes - a été décidée par le gouvernement. Elle est de toute évidence insuffisante. Il faut écouter les humanitaires qui agissent sur place, il faut écouter les associations, il faut écouter la maire de Calais, une élue LR qui fait passer son sens de la solidarité et son réalisme avant certaines déclarations émanant de son propre parti. La jungle de Calais ne peut être laissée ainsi à l’abandon, sauf à laisser piétiner les valeurs les plus élémentaires de la République. On sait qu’une partie de l’opinion est fermée à ces arguments. Mais il existe une autre France, qui prend au sérieux ses propres principes. Il est temps de l’entendre.