Le village de Puisseguin où s’est produit l’accident n’est situé qu’à 5 kilomètres de la commune de Petit-Palais d’où venait de partir le bus qui transportait les membres du club du troisième âge en route vendredi pour une excursion dans les Pyrénées-Atlantiques. Leur voyage a pris fin sur une route départementale, quand leur autocar a heurté de plein fouet un camion qui s’était mis au travers de la chaussée. Il a pris immédiatement feu. Bilan : au moins 43 morts parmi lesquels le chauffeur du poids lourd, originaire de l’Orne, et son fils de 3 ans. Un drame absolu dans ces villages du Libournais où tout le monde se connaît plus ou moins.
A Puisseguin, le maire, Xavier Sublett, a été un des premiers prévenus du drame. Il a rapidement organisé, dans une salle communale et dans l'école du village, l'accueil des premières familles avant le déclenchement du plan Orsec et le déploiement des gendarmes et secouristes. Jacques Deval était dans sa voiture quand il a appris la terrible nouvelle à la radio. Sachant que son beau-frère et sa belle-sœur étaient dans le bus, il s'est aussitôt rendu à Puisseguin. Là, il a appris que les deux membres de sa famille faisaient partie des rescapés. «Mon beau-frère est au service de grands brûlés à Bordeaux et ma belle-sœur à l'hôpital de Libourne», témoigne-t-il devant les journalistes qui se massent devant la mairie. Jacques Deval, assailli de micros, soulagé mais encore sous le choc, ne réalise pas vraiment que ses proches sont des miraculés.
Les enquêteurs prudents
Lors d'un point presse dans l'après-midi, le commandant des sapeurs-pompiers, Olivier Chavatte, qui a coordonné les opérations de secours, a expliqué que «l'embrasement (du bus) a été massif et extrêmement rapide». Arrivés sur les lieux de l'accident quelques minutes après la collision, les pompiers ont déployé des moyens massifs d'attaque du feu. Mais il était déjà trop tard, l'incendie était trop violent, «il n'y avait pas moyen d'extraire des personnes». Les huit rescapés, le chauffeur du bus et sept passagers, doivent leur vie au sang-froid et au courage du conducteur, comme l'a souligné le colonel de gendarmerie Ghislain Réty, qui supervise l'enquête. «Il a eu une conduite héroïque en faisant sortir les personnes avant que le bus s'embrase. Une personne qui arrivait derrière en voiture a également réussi à briser une vitre et à faire sortir des passagers du bus.» Très choqué, le chauffeur du car a été entendu par les gendarmes avant d'être pris en charge par la cellule psychologique, tout comme les autres survivants de cette collision.
Sur les circonstances et les causes exactes de l'accident, les enquêteurs restaient, quelques heures après le drame, très prudents. Le colonel Réty expliquait que la collision s'est produite dans une descente sur une route étroite : «Le camion remontait la pente, il s'est peut-être déporté. […] C'est une route très étroite. Il y avait de l'humidité après les légères pluies du matin et avec la rosée. Peut-être également de la végétation, des feuilles tombées des arbres.» Autant d'éléments qui peuvent expliquer que le camion s'est déporté, mais les enquêteurs ne disposent pas encore de suffisamment d'éléments pour dire si une vitesse excessive pourrait également être à l'origine de ce drame. Ce qui est certain, c'est que l'enquête sera longue et pénible.
«Notre priorité est de rendre les corps aux familles pour que chacun puisse faire son deuil», insiste le colonel Réty. Les enquêteurs se donnent trois jours pour réussir à extraire et à identifier tous les corps de la carcasse calcinée du car. La route va rester fermée et le périmètre bouclé durant toute la durée des investigations. Des experts de l'institut de recherches criminalistiques sont venus de Paris pour épauler leurs confrères de la section de recherches de la gendarmerie de Gironde. Des spécialistes en pyrotechnie sont également attendus pour déterminer les circonstances de l'embrasement si soudain des véhicules. Les pompiers avancent l'hypothèse d'une «fuite d'hydrocarbures sous le bus», peut-être due à la collision.
Cohue médiatique
Dans le village, les habitants hagards ont du mal à comprendre ce qu'il se passe chez eux. Depuis leurs fenêtres, certains ont assisté médusés au ballet des voitures officielles dans lesquelles sont arrivés et repartis le Premier ministre, Manuel Valls, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazenneuve, le secrétaire d'Etat aux Transports, Alain Vidalies, ainsi que de nombreux élus locaux. Christophe Colin, conseiller municipal de Puisseguin, s'est un peu isolé de la cohue médiatique pour souffler un peu. «J'étais au travail ce matin quand j'ai entendu ce qu'il s'était passé. Je suis venu immédiatement. On a tous eu peur que ce soit un bus d'enfants, comme il y a le centre de loisirs pas loin… Avec notre maire, qui a été formidable, on a organisé l'entraide, distribué des sandwichs. L'épicier nous a tout donné pour nourrir les gens. Il y a beaucoup de solidarité ici. Mais ça, on n'a pas l'habitude», souffle-t-il les yeux dans le vague.
Un peu plus bas dans le village, devant l'église, un monsieur d'un certain âge interpelle une voiture de gendarmes. Il veut savoir où a eu lieu l'accident, demande s'il peut s'y rendre. Il est un peu perdu, ne sait pas à qui s'adresser pour obtenir des informations. Son frère était dans le bus. «Il habite Petit-Palais, je l'ai vu mercredi mais je ne savais pas qu'il devait partir», soupire-t-il abattu.
Devant la mairie, une famille qui vient d’apprendre la mort d’un proche sort d’un entretien avec la cellule psychologique et s’engage dans la rue principale. Quelques journalistes prennent leur caméra, veulent filmer. C’en est trop pour un jeune homme, qui s’en prend à un cameraman. Il l’insulte et s’avance comme pour le frapper, retenu par ses proches. En fin de journée, toutes les familles ont été invitées à participer à une cérémonie civile d’hommage, à l’abri des micros et caméras. Un premier pas vers un deuil difficile.