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Libération
Témoignage

Kamel Boutayeb : «Je suis passé de Clichy-sous-Bois à Hollywood»

Kamel le magicien aimerait plutôt qu'on lui parle de son art et de son spectacle, plutôt que des révoltes urbaines survenues il y a dix ans dans la ville où il a grandi.
Kamel Boutayeb, alias Kamel le magicien, aux 30 ans de Canal + au Palais de Tokyo, à Paris, le 4 novembre 2014. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 27 octobre 2015 à 13h45

«Dix ans après, tous les médias m'appellent pour me parler de Clichy-sous-Bois. Mais personne ne m'appelle pour me parler de mon spectacle, ni de mon DVD. Mon show sur scène ne vous intéresse pas ?» Kamel le magicien, 35 ans, aurait aimé bavarder sur son spectacle qui se joue au théâtre de l'Apollo jusqu'au 3 janvier. Sur scène, il multiplie les tours pendant plus d'une heure. Des tours de folie. Il disparaît, il danse. Les enfants et les grands restent la bouche ouverte : bluffant. Son spectacle, il en a fait un DVD, Kamel le magicien en live, qui débarque en rayon ce mardi : dix ans après les révoltes, jour pour jour. Un hasard. Ou pas. Son destin est lié à «sa» ville.

On rembobine. Kamel Boutayeb grandit à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Une enfance banale : la famille, les potes. Sa seconde vie débute à l'âge de 11 ans. Il regarde la télé, un tour de magie passe. Le coup de foudre déboule. Très vite, Kamel enchaîne les petits tours et découvre les livres liés à sa passion. Il s'entraîne auprès de ses proches. Une époque formidable malgré le néant : «A Clichy, il n'y avait rien. Pas de piscine, pas de patinoire, pas de gare, on était loin de tout. Du coup, mes potes jouaient au foot et moi je me baladais avec mon jeu de cartes.»

Les années passent, Kamel devient «Kamel le magicien». Il turbine à l'école, décroche le bac et impressionne ses camarades grâce à sa magie. «J'ai décidé de faire un choix, continuer mes études ou me consacrer à ma passion», se souvient-il. Il pose son cartable : ses tours dépassent les frontières du 93. «Je fais mes premières télés, des petites chroniques.» A Clichy, «tout le monde était content de voir ma tête à la télé». La France le découvre au Grand Journal de Canal +. Durant trois saisons, il présente ses tours aux plus grandes stars. «Je suis passé de Clichy à Hollywood», dit-il avec le sourire. En 2013, il tourne un documentaire, Kamel à Las Vegas, où il rencontre les plus grands prestidigitateurs américains.

Le 27 octobre 2005, Kamel est à Clichy-sous-Bois. C'est bientôt la rupture du jeûne et Zyed et Bouna rentrent du foot. La suite, tout le monde la connaît. «Tu ne réalises pas, ça va trop vite. Des enfants meurent, des petits frères, dans une ville qui est loin de tout, abandonnée. Tu es consterné, tu deviens fou.» Il ajoute : «Les gens sortent dans la rue, ils crient : une révolte sociale. Moi, j'étais plus dans le dialogue, à la recherche de solutions.» Et depuis, qu'est-ce qui a changé à Clichy-sous-Bois ? «Rien. Si, peut-être le côté urbain, mais c'était le minimum. Mais socialement, c'est toujours les mêmes familles, les mêmes problèmes et on est toujours isolés, loin de tout.» Le magicien n'a toujours pas trouvé le bon tour pour changer les choses.