Le 20 octobre, suite au refus par la justice d’accorder une autorisation de sortie à un détenu qui souhaitait assister aux obsèques de son jeune frère, gitan sédentarisé de Moirans, des dizaines d’individus souvent cagoulés et gantés avaient violemment manifesté dans cette petite commune iséroise. Ils avaient barré durant plusieurs heures une route départementale et la voie SNCF Lyon-Grenoble à l’aide de 35 voitures en feu, mêlant épaves volées dans une casse voisine et véhicules en état de marche stationnés sur les lieux, dégradant la gare SNCF et un restaurant. Les gendarmes mobiles avaient essuyé des jets de pierres lors de leur prise de contrôle des lieux, trois heures après le début des incendies. Il n’y a eu aucune interpellation, ni alors, ni depuis.
Les opérations de maintien de l’ordre ont-elles traîné le jour des violences ?
Le préfet de l'Isère, Jean-Paul Bonnetain, était présent en première ligne, aux cotés des forces de l'ordre et des sapeurs-pompiers. Il assure avoir agi «aussi vite que possible». Dans une interview au Dauphiné libéré du 29 octobre, il est revenu sur le déroulement des opérations : «Dès que les gendarmes départementaux ont été prévenus, ils sont intervenus. C'était avant 16 heures.» Ils ont même tenté de «reprendre la gare», sans succès, «le rapport de force leur était défavorable» et «le maintien de l'ordre ne fait pas partie de leurs missions. Ils ne sont ni équipés ni formés pour ça». Le préfet leur ordonne donc de «filmer et recueillir des éléments» pour les investigations futures. «En l'absence d'une force de maintien de l'ordre disponible immédiatement sur place», il a fallu attendre que suffisamment de gendarmes soient mobilisés en Isère et dans les départements voisins, et acheminés à Moirans, pour reprendre sans faire de blessé le contrôle de la barricade sur la départementale à 18 h 30, et de la gare à 19 h 30.
Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’arrestations le jour même ?
Le préfet assure avoir reçu dans l'après-midi «plusieurs» coups de fil du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur : «Ils insistaient pour que l'on procède à des interpellations», a-t-il précisé au Dauphiné libéré. Et le lendemain sur France 3-Alpes : «Ma première préoccupation, c'était de rétablir l'ordre. J'aurais pu arrêter 20, 30 personnes hier soir, c'est facile, vous savez. Elles auraient été relâchées au bout de deux heures. On ne peut pas faire n'importe quoi, arrêter n'importe qui. Nous nous sommes attachés à la qualité des preuves à apporter. Nous les avons emmagasinés, l'enquête va se poursuivre, sous l'autorité du parquet de Grenoble».
L’enquête est-elle en panne ?
Le procureur de Grenoble, Jean-Yves Coquillat, connu pour sa fermeté, son pragmatisme et son esprit d'indépendance, avait affiché la couleur au lendemain des violences : malgré les élements recueillis par les gendarmes, l'enquête allait être «extrêmement difficile» et l'identification des «émeutiers» prendrait «des semaines». Il avait ajouté : «Les interpellations ne sont pas décidées en fonction d'une volonté politique. Toute précipitation et toute pression excessive peuvent nuire au résultat d'une enquête. Je veillerai à ce que les enquêteurs ne subissent pas de pressions effectives. Ils ne rendront de comptes qu'à moi. » Depuis les incidents, le groupement de gendarmerie de l'Isère et la section de recherche de Grenoble ont beaucoup travaillé : analyse des photos et des vidéos, relevés ADN, géolocalisation… L'enquête se poursuit à ce jour, avec le souci de ne procéder à une série d'arrestations qu'une fois des preuves claires réunies contre les personnes interpellées afin de pouvoir les présenter immédiatement devant un juge.