Le tribunal de grande instance de Montpellier devait, ce jeudi, se pencher sur un dossier opposant le comité BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions) de Montpellier à la Ligue des droits de l’homme (LDH). L’affaire a été renvoyée, mais maître Sophie Mazas, présidente de la LDH Montpellier, revient sur ce dossier ainsi que sur la question du boycott des produits issus des colonies israéliennes.
Pourquoi la direction nationale de la LDH a t-elle déposé plainte pour «incitation à la haine raciale» à l’encontre de deux militants du comité BDS 34 ?
En août 2014, ces militants ont partagé sur leur page Facebook un photomontage comparant l'armée israélienne à l'armée nazie. Un texte accompagnait ce montage, affirmant entre autres que «les nazis et les sionistes sont les deux revers de la même médaille», que «c'est la même école», et que «ce que faisait Hitler aux Juifs était fait exprès pour que le monde sympathise avec eux et leur donne tous les droits»… Lorsque j'ai découvert ce document, j'ai alerté le comité BDS de Montpellier et le photomontage a été retiré. Mais nous n'avons obtenu aucune condamnation claire de BDS quant à ce document. Celle-ci n'est intervenue que près de sept mois plus tard, le jour de l'audition des militants par la police, tout en se dédouanant de leur responsabilité.
Cette affaire se résume-t-elle à la publication d’un seul document litigieux ?
Il y avait également sur la page Facebook d'un des militants une photo de cadavres de militaires israéliens avec ce commentaire : «viande haram à ne pas laisser à la portée des enfants»… Ainsi qu'un film faisant intervenir un jeune néonazi aux propos particulièrement antisémites présentés comme antisionistes. Quand on milite pour les droits de l'homme, on doit être vigilants. Nous ne sommes pas les seuls à partager cette analyse : la Licra, et le Mrap sont également parties civiles dans ce dossier (1).
Cette affaire s’inscrit aujourd’hui dans un contexte tendu entre la ville de Montpellier, la préfecture et le comité BDS 34…
Les militants étaient présents depuis plusieurs années le samedi après-midi sur la place de la Comédie, en plein centre de Montpellier. Mais suite à cette affaire, la Licra a demandé à la mairie l’interdiction de la tenue de leur stand sur la voie publique. Nous, LDH, désapprouvons cette demande, contrairement à ce qu’a pu dire le préfet qui, dans cette affaire, a jeté de l’huile sur le feu. La LDH de Montpellier, rappelons-le, est membre du collectif Palestine 34 et participe de longue date à des actions de boycott ciblées sur des produits issus des territoires occupés.
La Commission européenne vient de faire savoir qu’elle demandait un étiquetage différencié de ces produits. Cette décision vous semble t-elle opportune ?
L’objectif de l’Union européenne est d’obliger Israël à respecter l’accord euro-méditerranéen de 1995, lequel instaure un système de taxes préférentielles sur les produits venant d’Israël, à l’exclusion de ceux issus des colonies. Or Israël parvient à faire aussi bénéficier de cet accord les produits de ses colonies. Pour la LDH, l’Europe devrait remettre en question l’ensemble de cet accord, ce qui constituerait un vrai moyen de pression sur le gouvernement israélien.
(1) Le BNVCA (Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme) et Avocats sans frontières, association fondée par Me William Goldnadel, sont également parties civiles.