Et la revoilà, la joyeuse saison des marchés de Noël, «l'événement festif incontournable des fêtes de fin d'année à Paris», avec son «ambiance chaleureuse» et ses «idées de cadeaux originales» (c'est l'Office de tourisme de Paris qui s'exprime).
La voilà surtout dans la France entière, qui déferle jusque dans nos campagnes avec sa farandole de chalets en bois, de vins chauds tord-boyaux et de camelotes en tout genre. Il est bien loin le temps où le Cristkindelsmärik de Strasbourg ne concernait que les locaux. Dans ces années 80, Libération était allé en reportage sur cette sympathique survivance de l'an 1570, ses reporters n'hésitant pas à payer de leur personne côté vin chaud. Les marchands du breuvage étaient en nombre, de même que ceux de sapins ou de guirlandes et boules. Rien d'autre. Tradition, tradition.
Avons-nous participé à ouvrir les yeux des pouvoirs publics locaux sur la pépite qu'ils avaient là? Si oui, lourde responsabilité. En 1992, Strasbourg se déclare capitale de Noël, rebaptise l'imprononçable Cristkindelsmärik en «marché de Noël» et voit grimper la courbe de fréquentation touristique. Au point que la balade devient un enfer. Cela n'a pas découragé les autres villes de France. Le côté fête traditionnelle alsacienne n'arrête en rien les copieurs.
Paris compte plus d'une douzaine de marchés de Noël. Celui des Champs-Elysées, le plus grandiose vu l'adresse, est inauguré par la maire Anne Hidalgo elle-même. C'est du sérieux. L'emprise des chalets, gérés par le forain Marcel Campion, croît d'année en année, avec une fête foraine en prime. Il y a un village gastronomique avec «hamburger vosgien» et «speciality françaises» (sic). Pour les «idées de cadeaux originales», c'est l'écharpe transformable, la machine «à séparer les liquides» (pour faire des cocktails rayés), bref, le bazar.
De nuit, les loupiotes assurent l’ambiance. Mais, quand même, le marché de Noël a une fonction urbaine pas facile. On lui demande d’égayer la ville. Devant la gare Montparnasse, sous les poutres en béton, les chalets font minables et le site encore plus lugubre. Comme le vin chaud, le marché de Noël est un produit dont il ne faut pas abuser.