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Libération
Récit

«Je vais continuer d’appeler tous les hôpitaux»

De nombreuses personnes, proches de victimes ou sans nouvelles d'elles, sont prises en charge à l'Ecole militaire, à Paris.
Dans le Xe arrondissement, des personnes viennent rendre hommage, ce samedi, aux victimes des attentats parisien de la veille, devant le Carillon et le Petit Cambodge. (Photo Denis Allard. REA)
publié le 14 novembre 2015 à 20h38

Ceux qui viennent ici ont déjà appelé tous les numéros d'urgence et écumé les hôpitaux de Paris à la recherche d'un proche silencieux depuis vendredi soir. A l'angle de l'avenue Duquesne et de la place Joffre, dans le VIIe arrondissement de la capitale, la préfecture de police de Paris a ouvert un centre de prise en charge des proches d'éventuelles victimes dans les locaux de l'Ecole militaire. Le lieu est sous haute protection. A l'extérieur, plusieurs policiers accueillent les arrivants et maintiennent à distance la presse. «Droit de réserve», martèlent-ils à chaque question des journalistes. Dès qu'une voiture s'arrête quelques instants près de l'entrée, les policiers interviennent pour l'obliger à quitter les lieux. Même les véhicules de la Croix rouge, autorisés à entrer dans la cour, sont méticuleusement fouillés pendant plusieurs minutes par les militaires.

Trois personnes, deux hommes et une femme, la cinquantaine, sortent la mine sombre. Un de leur proche était au Bataclan et ils sont sans nouvelles de lui. «A l'intérieur il y a une liste de victimes. Il n'est pas dessus. Mais on nous a aussi dit qu'il avait été répertorié», tente d'expliquer la femme. «Répertorié, cela veut dire vivant ?» demande-t-on. «On l'espère», répond-elle, avant de repartir dans la nuit. Depuis les fusillades, le flou demeure pour de nombreuses familles.

A l'entrée, des personnes vont et viennent, certaines seules, d'autres en couple, se soutenant bras dessus, bras dessous. Un homme entre avec un bouquet de fleurs contre son torse. Une femme au pas pressé passe le contrôle de sécurité. Elle est à la recherche de son frère qui avait prévu de prendre un verre avec une amie, vendredi soir, dans le XIe arrondissement, et devait l'appeler avant minuit. Sans nouvelles, elle a essayé de le joindre toute la nuit. Le téléphone a sonné dans le vide jusqu'à samedi matin. Depuis, elle tombe sur son répondeur. Une heure après, elle ressort, les larmes aux yeux. Lui non plus n'est pas sur la liste. «Mais il y a beaucoup de corps qui n'ont pas été identifiés. Ça change tout le temps, se crispe-t-elle. Je vais continuer d'appeler tous les hôpitaux.» A quelques dizaines de mètres, la Tour Eiffel a éteint ses lumières.