Palais de l'Elysée, 8 heures. Avant une longue journée de consultations avec les chefs de parti, les présidents des deux chambres et des groupes parlementaires, François Hollande s'installe à son bureau pour travailler son discours de lundi. Depuis que les coups de feu se sont tus dans Paris, tous les ministres concernés ont été priés de phosphorer et de faire parvenir idées et propositions au chef de l'Etat. A intervalles réguliers, le portable du Président sonne : Bernard Cazeneuve et lui se parlent tous les quarts d'heure pour faire le point sur les attaques «commanditées en Syrie, coordonnées en Belgique», selon les mots de Hollande. L'état d'urgence a été décidé vendredi soir, l'idée d'un Congrès a germé ensuite, poussée par Manuel Valls et le ministre de l'Intérieur. Pour Cazeneuve, «nous ne sommes pas dans la répétition du 7 janvier, ce n'est plus du tout la même histoire, décrypte un conseiller. Il faut passer un cran dans notre riposte. Cette fois, on n'a pas attaqué des symboles, on a tiré sur monsieur Tout-le-Monde. Il faut que l'on s'adapte à ça».
«Union sacrée»
En plus d'incarner l'union nationale, ce Congrès - députés et sénateurs réunis à Versailles , un fait exceptionnel - doit servir à répondre aux attentats sur trois grands axes, selon un conseiller de l'exécutif : les opérations en Syrie, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre l'islam radical. «Dans une guerre, ce qui est essentiel, c'est l'union sacrée», a osé le Premier ministre, Manuel Valls, à la mi-journée. Dans l'entourage de Hollande, on préfère rester sur le vocable d'union nationale «au service de l'action. Pas de la communion pour la communion, pas du rassemblement pour le rassemblement». Vu les enjeux, «c'est le genre de discours qui va être raturé et réécrit jusqu'à ce que Hollande mette un pied à Versailles», prédit un membre du cabinet présidentiel. Sur le plan diplomatique, il est pour l'instant exclu d'envoyer des troupes au sol en Syrie. Mais «on peut réfléchir à la forme de la coalition et à l'implication des uns et des autres», explique-t-on dans l'entourage du Président. «Il ne m'a pas semblé convaincu sur la nécessité de distinguer nos adversaires et nos alliés au niveau international», lâche Marine Le Pen à sa sortie de l'Elysée. En clair, faire le choix de Bachar al-Assad et de Vladimir Poutine.
Sur le plan domestique, entre les deux lois sur le terrorisme, la loi sur le renseignement, les mesures prises après les attentats de janvier et la proclamation de l'état d'urgence, il ne reste pas des masses de marges de manœuvre. Surtout que le Président a annoncé dès dimanche la prolongation de l'état d'urgence de trois mois. Devant les chefs de parti, Hollande a expliqué en substance que ce n'était «pas avec des dispositifs juridiques nouveaux ou des moyens supplémentaires qu'on lutte contre des gens qui veulent mourir. Il n'y a pas d'autre victoire de Daech [acronyme arabe de l'Etat islamique, ndlr] que définitive, ce qui va prendre des années», rapporte un conseiller présidentiel.
«Tarés»
Le gouvernement cherche quand même ce qu'il peut faire de plus : impossible de venir les mains vides, sauf à alimenter le procès en laxisme. «Si on ne fait pas mouvement, on se retrouve acculé par les propositions de tous les tarés. Il va falloir être efficace et rationnel pour deux», reconnaît un conseiller. Interner ou regrouper les islamistes radicaux faisant l'objet d'une fiche S, comme le demandent Wauquiez, Sarkozy ou Le Maire, les équiper de bracelets électroniques - une suggestion avancée aussi à gauche par Samia Ghali -, il n'en est pas question. «Tout ce qui peut être sérieux et efficace, on le prendra, mais on fera mine de ne pas entendre ce qui est démagogique ou pas opérationnel», prévient le député Pascal Popelin, spécialiste des questions de sécurité. Pendant leur réunion à l'Elysée, certains à gauche ont rappelé leurs collègues de droite à leurs obligations républicaines. «Ils s'excitent alors qu'on n'a pas encore identifié toutes les victimes, s'indigne la patronne des écologistes, Emmanuelle Cosse. Dans une semaine, on a cent cercueils devant nous.»