Menu
Libération
TRIBUNE

Jean-Paul Delevoye : «Ayons confiance en nous-mêmes»

Le président du Conseil économique social et environnemental (CESE) met en garde : «L’unanimisme sera vite rompu, le simplisme vite omniprésent».
Le président du Conseil économique, social et environnemental, à Paris, en juillet. (Photo Etienne Laurent. AFP)
par Jean-Paul Delevoye, Président du Conseil économique social et environnemental (CESE)
publié le 15 novembre 2015 à 19h46

Des couples, des familles, des amis… Au stade, au concert, au restaurant, en terrasse, dans la rue… Un vendredi soir, début de week-end : ont ainsi été attaqués à la fois l’innocence totale, le quotidien le plus banal et à la fois de très chers symboles : la jeunesse, le bonheur, l’envie et le droit de parler, rire, boire, chanter et danser ensemble.

Le but de ces attentats : nous faire mal et peur, c’est fait. Le but de ces attentats : imposer sa vision du monde en anéantissant ceux qui vivent différemment, cela ne se fera jamais. Ils ne peuvent nous détruire de fait ; mais nous, nous pouvons nous auto-détruire ou renoncer à nous-mêmes, à ce que nous sommes, à ce que nous croyons, même parfois du bout du cœur ou empreint de doute. Par la terreur, par le germe planté de la division, c’est une attaque d’ampleur et de long terme qui est menée contre notre manière de vivre en France, de vivre ensemble en France, de vouloir le bonheur ensemble en France.

Nous sommes tristes, en colère aujourd’hui. Ayons confiance en nous-mêmes… C’est parce que nous vivons bien en France que nous sommes visés, c’est parce que le vivre ensemble en France représente aux yeux du monde un modèle qu’il est visé, c’est parce que la France affirme ses valeurs et les défend dans le monde qu’elle est visée. Mais c’est aussi parce que tout ne va pas si bien en France qu’il nous faudra nous montrer fermes et unis sur nos valeurs d’humanité et de fraternité. Il y a une réponse militaire et sécuritaire à apporter, le pouvoir politique se réunit en congrès ce lundi. Il y a un combat idéologique à mener et renforcer autour de nos valeurs, et par-dessus tout pour le respect de chaque vie humaine. La société civile se mobilisera aux côtés de toutes celles et ceux qui portent ces valeurs et le CESE ouvrira ses portes à toutes celles et ceux qui souhaiteront ouvrir ces débats nécessaires.

Nos ennemis manipulent des jeunes français, européens, syriens, au point qu’ils préfèrent réussir leur mort que leur vie.

Depuis janvier, au CESE, nous avons mené avec des jeunes, avec Plantu, avec l’association Coexister et l’Observatoire de la laïcité, des débats pour réfléchir au dialogue inter-religieux, à la liberté d’expression, à la caricature, au blasphème.

Ce n’est même plus le sujet aujourd’hui.

Vivre, sortir un vendredi soir serait un problème, une agression ? Face à l’horreur, à l’absence de sens, aux questions sans réponse prédéterminée, face au sentiment possible et pernicieux d’impuissance, nous allons avoir des difficultés à poser demain les termes du débat. Ne nous méprenons pas, l’unanimisme sera vite rompu, le simplisme vite omniprésent. Il nous faut entendre et faire entendre les paroles pertinentes dans le débat contradictoire. C’est ainsi qu’une démocratie résiste et mobilise son peuple.