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Omar Ismaïl Mostefaï, petit délinquant radicalisé

Le Français de 29 ans, identifié grâce à un doigt retrouvé au Bataclan, était connu pour des délits mineurs et fiché par les services de renseignement.
A Courcouronnes (Essonne), dimanche, où l’un des kamikazes du Bataclan est né. (Photo Guillaume Binet. Myop)
publié le 15 novembre 2015 à 21h26

Omar Ismaïl Mostefaï est né à Courcouronnes, dans l'Essonne, le 21 novembre 1985. Vendredi soir, il a déclenché sa ceinture d'explosifs dans la salle de spectacle du Bataclan, dans le XIe arrondissement de Paris, après avoir tiré à la kalachnikov sur la foule. Les trois assaillants, dont Mostefaï, ont tué au moins 89 personnes, selon le chiffre provisoire donné samedi soir par le procureur de Paris, François Molins. Le bilan le plus lourd des attaques de la soirée. Mostefaï est le premier membre du commando terroriste à être formellement identifié.

L'homme est un citoyen français âgé de 29 ans. Le jeune père de famille vivait dans le quartier de la Madeleine, à Chartres, à une petite centaine de kilomètres au sud-ouest de Paris. Entre 2004 et 2010, Omar Ismaïl Mostefaï a eu affaire à la justice à huit reprises, à chaque fois pour des délits mineurs : «conduites sans permis, outrages», selon le Journal du Centre. Il a aussi été soupçonné de participer à des trafics locaux de stupéfiants. Un petit délinquant de droit commun qui n'a jamais été incarcéré. C'est ce passé judiciaire qui a permis son identification.

En Turquie et en Syrie. Son nom figure en effet dans deux bases de données de la police : le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et celui des empreintes génétiques (FNAEG). Sur la scène de crime, au Bataclan, les enquêteurs ont retrouvé son doigt et passé ses empreintes digitales et génétiques au crible. Elles correspondent à la même personne : Omar Ismaïl Mostefaï, qui n'est pas non plus inconnu des services de renseignement. A partir de 2010, une facette du personnage les inquiète : sa radicalisation islamiste. Il fait alors l'objet d'une «fiche S», dispositif permettant aux autorités d'être tenues informées des mouvements d'individus intéressant la «sûreté de l'Etat». L'homme ne fait pas de vagues, a indiqué le maire de Chartres, Jean-Pierre Gorges : «Depuis 2012, il ne bougeait pas. Il ne faisait pas de bruit. Il n'avait pas d'activité professionnelle connue.»

Omar Ismaïl Mostefaï poursuit dans cette voie. Il se rend en Turquie à l'automne 2013. Puis vraisemblablement en Syrie, où il aurait séjourné plusieurs mois à l'hiver 2013-2014. Au printemps 2014, il réapparaît sur le radar des services de renseignement, à Chartres, où il fréquente un petit groupe salafiste de sept à huit personnes. L'un d'eux semblait y avoir une position hiérarchique. Mostefaï, lui, était plutôt «en retrait», «attentiste» et «peu disert», indique un fonctionnaire de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Les services de renseignement déploient des moyens techniques pour étudier leurs intentions. Aucun élément recueilli ne permet alors d'attester un projet d'attentat caractérisé. La DGSI a tout de même émis des fiches S pour chaque membre du groupe. Le procureur Molins a souligné samedi soir que Mostefaï n'avait «jamais été impliqué dans un dossier de filière ou d'association de malfaiteurs terroriste».

Voix tremblante. Dès que les enquêteurs ont connu son identité, ils se sont intéressés à son entourage immédiat. Sept membres de sa famille ont été interpellé et cinq devaient voir leur garde à vue prolongée dans la soirée de dimanche. Les domiciles de son père, à Romilly-sur-Seine (Aube), et de l'un de ses frères, âgé de 34 ans et résidant à Bondoufle (Essonne), ont été perquisitionnés. Ce dernier s'est présenté spontanément à l'hôtel de police de Créteil. Il était en froid avec son cadet depuis plusieurs années à cause d'«histoires de famille», a-t-il témoigné à l'AFP avant sa garde à vue : «Ça fait un moment que je n'ai plus de nouvelles.» La voix tremblante, il ne comprenait pas ce qui avait bien pu se passer vendredi soir : «C'est un truc de fou, c'est du délire ! Moi, hier, j'y étais sur Paris et j'ai vu comment c'était la merde !»