Le conseil de Paris était prévu ce matin. Mais pas comme ça. Devant une assemblée au complet, Anne Hidalgo, maire de la ville, a commencé par demander, la gorge serrée, une minute de silence. Après quoi, les élus ont chanté la Marseillaise, et l'ont chantée juste. Telle était la note générale de la réunion: juste. Ce n'est pas courant dans la vie politique, mais cela arrive.
Première oratrice, la maire de Paris dénonce «une violence où s'exprime la haine de la vie, la détestation de la liberté. Vendredi soir, cette haine viscérale est venue défier ce qu'elle déteste le plus: la vie cosmopolite, généreuse, insoumise et bruyante de Paris.» Reprenant un sentiment maintes fois exprimé depuis trois jours, elle s'adresse à «ceux qui sans connaître aucune victime ont l'impression d'avoir perdu une part d'eux-mêmes». Des ennemis, poursuit-elle, «nous devons craindre les sentiments qu'ils pourraient nous inspirer: le sentiment de la peur qui dénature, de la colère qui défigure et du doute qui divise».
«Il va nous falloir du courage, du calme, de la lucidité, de l'intelligence pour résister et ne pas céder aux pulsions de haine, à la xénophobie, à la peur ou à la terreur», renchérit Eric Azière, président du groupe UDI-Modem.
Mais dans une séance comme celle-là, «le doute qui divise» est tangeant. D'un côté, Anne Souyris, coprésidente du groupe EE-LV, se félicite de «l'unité qui est la nôtre ce matin et qui fait honneur à notre conseil». Mais de l'autre, elle est un peu moins consensuelle: «Pour certains, la tentation est grande de sombrer dans la recherche du bouc émissaire parmi nos concitoyennes et concitoyens et/ou d'appeler au tout sécuritaire».
Même ambiguïté chez Nathalie Kosciusko-Morizet qui dit d'abord: «Le terrorisme ne pourra pas venir à bout de notre unité et notre envie de continuer à vivre ensemble dans les valeurs de notre République.» Mais ajoute : «Nous construirons ensemble, et nous le souhaitons profondément, une politique de sécurité que les Parisiens exigent et dont l'évidence s'impose maintenant à tous.»
A l'égard des Parisiens, l'appel à «continuer à vivre» revient en boucle dans tous les discours. «Je constate que les Parisiens, comme toujours dans ces situations, ont su trouver la bonne attitude», dit le préfet de police, Michel Cadot. Même si «tout cela donne la conviction que notre pays est entré dans un autre moment». Eric Azière souligne «les centres de collecte de sang pris d'assaut», remercie «les réseaux sociaux».
Les interventions des maires des Xe (Rémy Féraud) et XIe (François Vauglin) arrondissements font toucher du doigt ce qu'a été la mobilisation des personnels de la ville, ouvrant les mairies, tenant permanence, renforçant le 3975 et, comme à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, rappliquant spontanément. La maire salue «tous ceux qui depuis trois jours se relaient sur le front de cette guerre qui ne dit pas son nom: les policiers, les pompiers, les militaires, les soignants et tous ceux que l'horreur n'a pas paralysés mais mobilisés».
A l’issue de la séance, à midi, tous les personnels de l’Hôtel de ville se sont réunis dans l’immense salon d’honneur, éclairé en bleu-blanc-rouge, pour la minute de silence. Le parquet craquait et dans l’assistance, une femme sanglotait.