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Libération

Attentats Paris. Portraits des personnes tuées

publié le 16 novembre 2015 à 20h36

Précilia Correia, 35 ans, tuée au Bataclan

Elle aimait la photo, le snowboard, la cuisine. Elle avait pour habitude de créer de petits objets joyeux. Précilia Correia s'est brusquement éteinte à 35 ans, tuée au Bataclan, comme son petit ami, qui l'accompagnait. Précilia habitait à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où elle est née, d'un père portugais et d'une mère française. «C'était une personne souriante qui adorait passer du bon temps avec ses amis et aller à des concerts de rock. Elle avait une culture portugaise très ancrée, et séjournait beaucoup à Lisbonne, d'où notre famille est originaire. Elle avait d'ailleurs obtenu la double nationalité franco-portugaise», raconte sa petite sœur à Libération. «Elle était vendeuse au rayon petit électroménager de la Fnac à La Défense, après avoir travaillé au rayon travaux photo. Elle était membre du comité d'entreprise, dit l'un de ses collègues.Nous avons partagé quelques verres et un pique-nique ensemble.»

Avant d'être embauchée à la Fnac en 2003, elle avait multiplié les contrats courts comme hôtesse d'accueil dans l'enseigne culturelle ainsi qu'à la Société générale. En parallèle, entre 2000 et 2006, elle avait étudié les langues étrangères à l'université Paris X, puis la communication à l'Efet, une école de photo du XIIe. Une représentante du personnel de la Fnac raconte à Libération : «Professionnellement, elle était touche-à-tout et avait du répondant. Une fois, elle est arrivée avec plein de petits gâteaux pour mon anniversaire…»

La déléguée syndicale lui a rendu hommage sur Facebook : «Nous perdons avec Précilia une collègue volontaire, une élue pugnace face à l'adversité, une amie sincère et généreuse… Face à l'horreur, nous garderons d'elle son sourire, son visage radieux, sa force de caractère et de vie, sa joie communicative, son humour parfois impertinent, son sens de la répartie, sa spontanéité… Quoi que l'on fasse, où que l'on soit, rien ne t'efface, on pense à toi…» G.Si.

Bertrand Navarret, 37 ans, tué au Bataclan

Enfant du Sud-Ouest, Bertrand Navarret, 37 ans, vivait à Capbreton. Il aimait la vie, la fête, la glisse et le rock’n’roll. Ce vendredi, il s’était rendu à Paris avec des potes pour passer quelques jours dans la capitale et assister au concert des Eagles of Death Metal. Il est parmi les premiers à tomber sous les balles lorsque les terroristes font irruption au Bataclan. Ses amis ont réussi à se réfugier sur le toit de la salle. «Bertrand était quelqu’un de formidable, sympathique et chaleureux, jovial et bourru à la fois, et toujours très drôle, en toutes circonstances», témoigne Aurélie, l’une de ses amies, qui l’a côtoyé pendant trois ans à l’école de notariat de Toulouse.

Fils et neveu de notaire, Bertrand Navarret avait commencé par suivre la voie familiale, l'étude de son père étant bien connue dans la région de Tarbes. Après la fac de droit à Pau, il avait validé sa formation de notaire et brièvement exercé. Mais il était rapidement sorti de cette voie toute tracée. Parti vivre au Canada, il y avait appris le métier de charpentier, à mille lieues des transactions immobilières et des successions à régler. Mais outre le travail du bois et la construction, sa vraie passion était la glisse, la culture du ride et la musique qui va avec les vagues. Il était donc revenu s'installer et exercer son nouveau métier de charpentier à Capbreton, où il vivait heureux, dans son élément. La communauté de surfeurs locaux avait immédiatement adopté «Béber», comme ses amis le surnommaient affectueusement. J-C.F.

Grégory Fosse, 28 ans, tué au Bataclan

Programmateur musical pour la chaîne de télé D17, Grégory Fosse était âgé de 28 ans. Samedi, la direction du groupe a annoncé son décès ainsi : «C'est avec une infinie tristesse que nous avons appris aujourd'hui le décès de Grégory Fosse, programmateur musical à D17, présent hier soir au Bataclan. Nous connaissions tous sa gentillesse, son sourire inimitable et sa passion pour la musique, qui l'avait amené à nous rejoindre. Nous avons perdu un ami mais aussi un garçon de talent.» Un moment de recueillement a été organisé lundi dans les locaux de D17 «pour se souvenir de l'homme formidable qu'il était», a par ailleurs annoncé la direction de la chaîne. T.B.

Nick Alexander, 36 ans, tué au Bataclan

Nick Alexander était au Bataclan pour son travail. Il était chargé du merchandising des Eagles of Death Metal. Il a été tué pendant la fusillade. Une de ses amies, Helen Wilson, blessée aux deux jambes mais qui a survécu, était à ses côtés. Britannique, il venait de Colchester, une petite ville de l’est de l’Angleterre. «[Quand] il sortait juste de l’école, à 18 ans, il est venu nous voir avec une idée très précise : instaurer une nuit de la musique, raconte au téléphone Anthony Roberts, directeur du Colchester Arts Centre. Il y a toujours plein de volontaires pour créer ce genre de nuit, mais Nick était bien plus persistant et bien plus charmant que la plupart.» Il a obtenu la création de sa «Club Night Music», et «à notre grande surprise et notre grand plaisir, a remporté un énorme succès, remplissant sans problème chaque semaine la salle de 400 places».

Le rock était sa passion et «il est mort en faisant le job qu'il aimait», a dit sa famille dans un communiqué. «Nick n'était pas seulement notre frère, fils et oncle, il était le meilleur ami de tous - généreux, drôle et profondément loyal.» Le musicien Cat Stevens, désormais connu sous le nom de Yusuf Islam, lui a rendu hommage sur Twitter : «Il s'occupait du merchandising lors de notre tournée l'an dernier. Amour et condoléances à sa famille.» Patrick Carney, batteur du groupe The Black Keys, a raconté à Rolling Stone combien Nick Alexander était «vraiment organisé, super travailleur, tellement drôle. Je me souviens de lui toujours content sur la tournée. […] Je me souviens qu'il ressemblait plus à une rock-star que n'importe qui sur la tournée, dans le meilleur sens du terme. […] C'était juste un type bien, ce mec». S.D.-S. (à Londres)

Romain Feuillade, 31 ans, tué à la Belle Equipe

Romain Feuillade, né le 3 octobre 1984, a grandi à Gilly-sur-Isère, en Savoie, mais le jeune homme s’était installé à Paris pour exercer sa passion. «Il voulait devenir acteur», selon l’un de ses proches, qui témoigne pour Libération. Plusieurs vidéos le montrent sur scène sur YouTube, où il aimait s’épanouir.

Il tenait par ailleurs un restaurant, les Cent kilos, rue de la Folie-Méricourt, dans le XIe arrondissement de Paris, avec un associé. Son ami poursuit : «C'était un garçon d'une profonde gentillesse, doté d'un puissant sens de l'humour. Souriant, généreux, humble, bienveillant. Un exemple d'homme, le meilleur. Un ami dévoué.» Romain était marié, «un mari parfait». Le jeune homme aimait aussi «le basket, et les belles assiettes». Vendredi soir, il était sur la terrasse du bar la Belle Equipe», rue de Charonne, lorsque les terroristes ont déversé leurs chargeurs. G.K.

Hyacinthe Koma, 37 ans, tué à la Belle équipe

Hyacinthe Koma avait étudié au lycée Montaigne et était originaire du Burkina Faso. Il travaillait comme serveur aux Chics Types, dans le XIXe arrondissement. Selon toutes les personnes interrogées à son sujet, c’était «un amour», «la gentillesse incarnée». «Il avait un sens de l’humour particulier, avec toujours une vanne un peu décalée à lancer et le sourire en permanence, se souvient Axiom, un ami. C’était quelqu’un de simple, qui avait une présence douce et réconfortante.»

«C'était un fan de football ; il portait toujours un tee-shirt du PSG», raconte Jamel, un voisin travaillant dans la restauration lui aussi. Jamel avait vu Hyacinthe jeudi soir pour la dernière fois et il ne s'était pas arrêté, trop fatigué. Il poursuit : «L'équipe de ce restaurant était très sympathique ; c'était des bons vivants. Le soir des attentats, ils étaient partis fêter un anniversaire à la Belle Equipe, un autre bistrot appartenant au patron des Chics Types.»Au café d'en face, on se souvient de lui comme d'un «garçon charmant». C.Me. et M.O.

Alban Denuit, 32 ans, tué au Bataclan

Né à Marmande en 1983, Alban Denuit assistait au concert des Eagles of Death Metal avec sa copine vendredi. Ce plasticien enseignait les arts plastiques à l’université Bordeaux-Montaigne. En juillet, il avait obtenu son doctorat avec les félicitations du jury à l’unanimité. Il avait passé cinq ans à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Giuseppe Penone. Après son diplôme, il s’était installé à Bordeaux. Jeune talent de la scène artistique émergente, Alban Denuit travaillait sur la sculpture et le volume. «Il mettait en évidence des objets auxquels on ne fait pas attention, les objets les plus divers du quotidien», témoigne-t-on à la galerie Eponyme, qui l’exposait à Bordeaux.

Avec une quinzaine d'artistes, Alban Denuit avait son atelier dans l'association artistique la Réserve, espace mutualisé d'expérimentations artistiques. «C'était quelqu'un de charmant, de très souriant, relate un proche de la galerie bordelaise. Il était dynamique, aimait la musique, les arts plastiques et sortir avec ses amis.»  F. Rl.

Thomas Ayad, 32 ans, tué au Bataclan

Thomas Ayad était chef de projet chez Mercury. «Je l’avais connu quand il était mon stagiaire chez V2, une maison de disques, explique à Libération son ami Mathieu. Il est mort presque tout de suite, au Bataclan, alors qu’il était en train de parler avec un garçon de Nous Productions [le tourneur du concert], qui, lui, a été blessé. C’était le mec le plus cool de la Terre, sans ennemi, tout le monde l’aimait. Franc, honnête, c’était un ami fidèle, on pouvait compter sur lui. Il avait une belle carrière, un très grand talent, et était très heureux de son travail. Il s’occupait de Metallica comme de Justin Bieber. C’était un très grand fan de rock, de Queens of the Stone Age, et d’Eagles of Death Metal en particulier. Il s’entendait très bien avec le groupe, il était comme eux, rock’n’roll, plein d’humour, décalé. Il était très fier de s’occuper d’eux. Il collectionnait les guitares, était sportif, avait plein de cordes à son arc. Il était en train de s’acheter une maison avec sa meuf qui l’aimait beaucoup. C’était un mec bien. On dit souvent ça des gens qui meurent, mais en l’occurrence, c’était vrai.»

Sa compagne, son frère, sa famille, ses amis et collègues d'Universal, une centaine de personnes au total, se sont réunis lundi devant les anciens bureaux de V2 dans le Xe arrondissement, rue Bouchardon, à l'heure de la minute de silence, puis ont marché jusqu'au Bataclan. E.v.B.

Ludovic Boumbas, 40 ans, tué à la Belle Equipe

Né au Congo, il a grandi à Lille. Plus jeune, Ludovic Boumbas faisait du rap avec son grand frère. «C'était un moyen pour lui de lutter contre la connerie du monde», confie Axiom, rappeur et ami d'enfance. Danseur, «coquet», excellent charrieur, «il était capable de balancer 100 blagues à la minute», ajoute Axiom. Il a été assassiné à la Belle Equipe. C'était «un garçon très social, avec un sens du contact hors du commun», dit de lui son ami Tariq, qui avait fêté avec lui récemment ses 40 ans et devait le rejoindre ce soir-là à la Belle Equipe. Un «héros», dit-il de lui, dont l'histoire a été écrite dans le Daily Mail - Ludovic Boumbas s'est rué sur les tireurs sauver la vie d'une jeune fille. D'après ses proches, Ludovic Boumbas avait fait un choix de vie, celui d'avoir un «travail alimentaire», chez Fedex, afin d'avoir du temps pour vivre. Il aimait la culture, parler de musique, de ses voyages et des fleurs, qu'il achetait en nombre chez le fleuriste du quartier. Son vélo est toujours garé devant la Belle Equipe. C.Al., C.Gh. et M.O.