Hugo Sarrade 23 ans Tué au Bataclan
«Ça sent la sueur et la bière, ça va être une bonne soirée.» Depuis le Bataclan, au début du concert, Hugo Sarrade a envoyé ce SMS à son père, Stéphane, chez qui il était venu passer le week-end au retour d'un séjour de quinze jours au Japon. Chercheur au centre de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique, Stéphane Sarrade décrit son fils en jeune homme «ouvert», voyageur, «bien dans son époque», dans ses études - un master en intelligence artificielle à la faculté des sciences de Montpellier, un projet de thèse à l'étranger - et dans sa «première grande histoire d'amour». Qui lisait beaucoup de science-fiction, de mangas, Libé aussi, qui adorait la musique, «aimait débattre, toujours dans le respect de l'idée de l'autre».
Le père et le fils discutaient de politique : «La montée de l'intégrisme le préoccupait, la montée du FN aussi, on en a souvent parlé. Je ne l'ai jamais entendu tenir un propos d'intolérance ou de racisme. Il avait des valeurs, des convictions humanistes.» Sur le profil Facebook d'Hugo, à la date du 7 janvier, s'affiche un slogan «Je suis Charlie». Il avait, rapporte Midi libre, participé à la marche à Montpellier. Lundi, c'est à lui, et aux autres victimes du 13 novembre, que 2 000 étudiants de son université ont rendu hommage lors de la minute de silence. «Depuis six mois, poursuit Stéphane Sarrade, il avait trouvé des réponses, de la sérénité. Il avait des projets, il était en train de poser les jalons de sa vie d'adulte.» Un adulte «en train de se construire, et qui avait des belles choses à faire». Sur la photo que son père a fait parvenir à Libération, on voit Hugo Sarrade souriant aux côtés de son amie, Lise, au bord du lac des Bouillouses, dans les Pyrénées-Orientales : «C'est l'image que je voudrais qu'on garde de lui.» Am.G.
Kheireddine Sahbi 29 ans Tué à Paris
Kheireddine Sahbi, jeune musicien algérien surnommé «Didine» par ses proches, était étudiant en master d’ethnomusicologie à la Sorbonne. Il était venu «parfaire sa formation» indique l’université sur son site. «Très impliqué dans l’ensemble de musiques traditionnelles, il a été abattu alors qu’il rentrait chez lui, dans le Xe arrondissement», précise à Libération Barthélémy Jobert, le président de Paris-Sorbonne. Le lieu exact de son meurtre nous reste inconnu.
«Il habitait un quartier périphérique d'Alger, où la situation était très tendue, a expliqué à l'Agence France-Presse le cousin du jeune homme. Il avait survécu à dix ans de terrorisme.» C.Bnf.
Estelle Rouat 25 ans Tuée au Bataclan
Elle était originaire de Concarneau, dans le Finistère, mais exerçait son métier de professeure d'anglais en banlieue parisienne. A la rentrée, Estelle Rouat, 25 ans, avait pris son premier poste au collège Gay-Lussac de Colombes (Hauts-de-Seine). «Cette jeune femme était entrée dans ce métier avec passion», selon le directeur académique du département, Philippe Wuillamier, cité par le Parisien. «J'aimais beaucoup ses cours», acquiesce un élève de quatrième, Mohammed, dans le même article. «Elle était gentille, discrète, aimable», abonde Sana, en troisième. Lundi, à midi, les 1 100 enfants de l'ensemble scolaire Saint-Joseph de Concarneau, où Estelle Rouat avait étudié, ont aussi pensé à elle. K.H.-G.
Mathieu Hoche 37 ans tué au Bataclan
Chef opérateur à France 24, Mathieu Hoche était au Bataclan vendredi soir. Il vivait à Montreuil et avait un petit garçon de 6 ans. «On travaillait ensemble à France 24, ça faisait plus de cinq ans qu'il était là, explique à Libération son ami Gérôme Vassilacos, réalisateur de la chaîne. C'est un collègue et un ami. Il venait environ deux fois par semaine, car il bossait aussi très régulièrement pour d'autres chaînes et boîtes de production, dont i-Télé et Arte. Il était sur un portrait de Belmondo ces derniers temps. Il avait un très bon œil. Ses interviews avaient une belle lumière et l'image était toujours léchée. On m'a dit qu'il avait fini le boulot à 21 heures et qu'il était allé directement au Bataclan. Il a dû arriver juste avant le drame. Il était content de bosser, de nous voir, et notre journée était cool grâce à lui. Il n'y avait jamais de conflit avec Mathieu. Il était amusant, un peu taquin et toujours le mot léger. C'était un bon vivant, simple et très convivial, qui aimait sortir, voir des amis, et allait souvent à des concerts. On se voyait en dehors du boulot, on allait boire des coups. J'aurais voulu le voir plus.» G.Si.
Cécile Misse 32 ans Tuée au Bataclan
Cécile Misse travaillait en tant que chargée de production au théâtre Jean-Vilar de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, depuis six ans. Originaire de Gap (Hautes-Alpes), où son père est greffier du tribunal de commerce, elle est morte vendredi au Bataclan avec son compagnon, le musicien chilien Luis Felipe Zschoche-Valle.
Sébastien Banse, l'un de ses proches, a écrit un hommage à son amie, publié sur le site du Journal de Saint-Denis. Il dit à propos de leur rencontre il y a quelques années : «Elle habitait dans le XVe arrondissement, un minuscule studio au rez-de-chaussée d'une rue parfaitement déserte. Pour être moins à l'étroit, on décida d'annexer la voie publique au périmètre des festivités, et bientôt on trinquait des deux côtés de la fenêtre. Elle savait s'amuser, et rire, et partager. On revint souvent. Un jour, une guitare fit son apparition dans l'appartement. La guitare allait avec Luis, qui était musicien, chilien, et naturellement sympathique. Cécile était amoureuse, on trinqua joyeusement. C'était le bon temps, dont on pensait qu'il ne finirait pas.» Ses collègues du théâtre ont témoigné dans le Parisien : «Mobilisée aux côtés des artistes, Cécile était particulièrement concernée par les arts et la culture, les droits de l'homme, l'action sociale, l'aide humanitaire et les secours en cas de catastrophes.» M.O.
Sébastien Proisy 38 ans Tué rue Bichat
Il y a cinq mois, il sortait diplômé de l’Ecole de guerre économique de Paris, située près du Champ-de-Mars. A 38 ans, Sébastien Proisy était déjà passé par Assas, Sciences-Po (dont il a obtenu le diplôme en 2003) puis par la Commission européenne. Après avoir travaillé dans un cabinet d’avocats, il avait monté sa propre société, qui promouvait les produits tricolores hors du pays, et s’apprêtait à lancer une deuxième entreprise, qui conseillerait les boîtes françaises dans leur installation à l’étranger. C’est d’ailleurs un repas d’affaires qui l’a amené à se trouver rue Bichat, vendredi soir.
Né à Valenciennes (Nord), où il a passé ses jeunes années, il a fini de grandir en banlieue parisienne, à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), chez sa mère, après une étape de deux ans en Floride, où son père l’avait emmené. «Sébastien a fréquenté une école bilingue. Il était très brillant», a raconté à la Voix du Nord sa grand-tante, Jeanne Broutin-Senecaux. Selon cette dernière, Sébastien Proisy était «charmant» et «d’une gentillesse incroyable».
Cité par le même quotidien, Yannick Nison, maire d'Hasnon (Nord) et ami de la famille, évoque un homme «bien éduqué, attentif à tout le monde, discutant facilement et se mettant à la portée des gens simples». Son ami de trente ans, Charles, contacté par Libération, abonde : «Il aimait les gens, il était toujours disponible, il aidait tout le monde.» «Il était très joyeux, souriant, rayonnant, ajoute-t-il. Il aimait beaucoup lire, [surtout sur] l'histoire, la géopolitique, la diplomatie. Sa carrière tournait autour de ça.» Célibataire, sans enfant, Sébastien Proisy était «très travailleur, il était à fond dans ses trucs. C'était difficile de l'attraper», sourit son ami. K.H.-G.
Claire Camax 35 ans Tuée au Bataclan
Mère de deux enfants, Claire Camax est décédée à 35 ans au Bataclan. Originaire du Sud-Est, amatrice de rock «un peu lourd», dixit son ami Jean-Emmanuel, elle résidait à Houilles (Yvelines). «On s’est connus à l’Ecole professionnelle supérieure d’arts graphiques [du Val-de-Marne, ndlr] et on est très vite devenus amis. On s’amusait beaucoup. Je l’ai présentée à l’un de mes plus vieux amis, qui est devenu son mari, raconte ce proche submergé par l’émotion. C’était une excellente dessinatrice, quelqu’un de radieux, qui débordait la joie de vivre. Elle me faisait beaucoup rire.»
Claire Camax vivait du graphisme depuis 2004 et s'était mise à son compte il y a six ans. Sur son site, elle affichait quelques travaux : cartes de vœux, illustrations, catalogue de marques françaises de lingerie à l'étranger… Vendredi, elle s'est rendue au concert avec son mari et des amis. Deux d'entre eux, blessés, «sont hors de danger», assure Jean-Emmanuel. Son mari, qui ne se trouvait pas au même endroit lors de la fusillade, est indemne. «Claire était rayonnante, connue pour sa bonne humeur, son sourire permanent et sa gentillesse, décrit Nathalie Stolz, qui a travaillé un temps avec elle. C'est assez abstrait mais c'est vrai.» G.Si.
Cédric Gomet 30 ans Tué au Bataclan
Ses amis lui trouvaient une certaine ressemblance avec Ryan Gosling, en brun. Mais avec son bras droit intégralement tatoué, Cédric Gomet affichait surtout la couleur du rock. Sa vraie passion quand il ne travaillait pas en régie pour la chaîne TV5 Monde, où l’avait détaché son employeur Ericsson. Titulaire d’un BTS, ce jeune Franc-Comtois était monté de Foucherans, dans le Jura, pour travailler dans l’audiovisuel. Il avait également fondé, il y a huit ans avec des amis, un groupe d’electro-rock baptisé First All the Machines, dont il était le guitariste.
Venu voir Eagles of Death Metal en fan au Bataclan, il est touché au visage lorsque les balles pleuvent subitement, mais parvient à sortir de la fosse, selon le témoignage d’un proche qui était avec lui, cité par l’Est républicain. Il succombera malheureusement à ses blessures. Depuis vendredi soir, ses parents et ses proches remuaient ciel et terre pour le retrouver. C’est un ami de Cédric qui les a prévenus de son décès dimanche après-midi. Lundi, ses collègues de travail et ses amis lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux, à l’antenne et lors d’une minute de silence à TV5 Monde, où son portrait souriant et tatoué était partout.
Sur la page Facebook des «Caves», le département de musiques actuelles de Dole, dans le Jura, où il avait appris la guitare, on peut lire ce message : «Il aimait la musique, il est allé voir un concert au Bataclan et des dingues illuminés l'ont tué, comme ça, pour rien. Noire est notre colère et notre chagrin.» J.-C.F.
Nicolas Classeau 43 ans Tué au Bataclan
Le directeur de l’IUT de Marne-La Vallée, Nicolas Classeau, est mort au Bataclan vendredi soir. L’université, «en deuil» et «effondrée, indignée», l’a confirmé dimanche. Père de trois enfants, fan de rock et musicien amateur, Nicolas Classeau dirigeait l’établissement depuis deux ans. Sa compagne est blessée et toujours hospitalisée. L’un de ses collègues lui a rendu hommage : «C’était quelqu’un de très impliqué dans la pédagogie, d’un grand dynamisme, c’était un collègue d’une grande gentillesse.» Le bureau des étudiants de l’IUT a, lui, salué «un homme exemplaire, bourré de sagesse et de gentillesse. […] Il représentait l’espoir pour un tas d’étudiants pour lesquels il a su trouver une solution dans des situations scolaires et éducatives compliquées»…
Sur Facebook, un autre collègue parle de Nicolas Classeau comme d'un «républicain, rempli d'idéaux, d'humour et d'autodérision. Je suis si triste ce soir, toi, Nico, qui es tombé sous les tirs des terroristes au Bataclan : ces lâches, ces personnes qui ne connaissent rien à l'islam, ces fascistes.» L'IUT compte une autre victime, Matthieu Giroud, maître de conférences en géographie. I.H
Elodie Breuil 23 ans Tuée au Bataclan
Elodie Breuil avait 23 ans lorsqu'elle est tombée au Bataclan. Sur son Facebook, plusieurs dessins crayonnés rappellent que la jeune femme étudiait le design à l'école de Condé (Paris XVe). Enfant, elle avait fréquenté l'école Thiers de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Au gré de ses photos de profil, on découvre une jolie blonde aux yeux bleus, adepte des déguisements, ici le visage peint en petit chat, là coiffée d'un chapeau à l'effigie d'un raton laveur, là encore masquée d'un visage de carnaval hilare, plus loin habillée d'un sari lors d'un voyage au Sri Lanka, il y a deux ans. Elle faisait partie, sur le réseau social, de plusieurs groupes de fêtards qui se tenaient mutuellement informés des soirées trance, psyché, progressive, dance. En janvier, Elodie Breuil avait manifesté à Paris après les attentats contre Charlie et l'Hyper Cacher, a raconté son frère Alexis à Time. K.H.-G.
Ariane Theiller 24 ans Tuée au Bataclan
Elle venait d’obtenir un CDI, était fière d’être désormais autonome financièrement, et s’était installée en septembre dans un studio à Montreuil, «moins minuscule que les précédents», décrit son père, Christophe, principal dans un collège de Normandie. Ariane Theiller avait 24 ans, «et la vie devant elle». Le 13 novembre au soir, elle a été tuée au Bataclan.
Après un master lettres et métiers de l’édition obtenu à l’Unistra de Strasbourg, Ariane Theiller avait réussi à obtenir un stage chez Urban Comics, maison d’édition très réputée de l’univers des bandes dessinées américaines. Elle avait une passion pour le genre, au point de faire des super-héros le sujet de son mémoire de Master. «Ils n’avaient pas pu lui offrir de CDI, car ce n’était pas le bon moment pour eux, mais elle avait réussi à en obtenir un dans un magazine de jardinage, Rustica, qui fait partie du même groupe[Média participations, ndlr]. Elle rêvait de retourner dans l’édition et les comics, mais c’était une première étape très importante pour elle», raconte son père.
Ariane Theiller aimait «les mots et les images», lisait de tout, très vite, «un peu boulimique», et avait découvert les comics après un passage par la lecture de mangas japonais. Elle avait grandi principalement en Normandie - même si le travail de son père les avait souvent fait déménager, elle et ses trois frères -, puis fait des études à Orléans et à Strasbourg, avec un détour par la Finlande, six mois passés au nord d’Helsinki grâce à un programme Erasmus. «Cette immersion dans un monde très différent du nôtre l’avait vraiment impressionnée, décrit encore Christophe Theiller. Elle était bien décidée à ne pas en rester là.»
Partout où elle allait, Ariane Theiller était très entourée, se liant facilement aux autres grâce à sa personnalité dynamique et joyeuse. Le petit monde des comics est en deuil, des hommages lui ont été rendus sur les réseaux sociaux par l'équipe très émue d'Urban Comics, mais également par des éditeurs ou professionnels tels les Américains de DC Comics (dont Urban Comics publie les titres en français), Dark Planet Comics, Sean Gordon Murphy (créateur de Punk Rock Jesus) et Ivan Brandon. É.F.-D.