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Libération

Incompréhension à Hégenheim où un collégien a tiré sur un camarade

Le garçon de 13 ans qui a tué un autre élève, lundi, avait probablement dérobé l’arme à son père, amateur de tir sportif chez qui plus de 150 armes ont été retrouvées. Ils sont tous deux en garde à vue.
publié le 17 novembre 2015 à 18h56

Il avait une arme à feu sur lui. Une arme de poing dans le cartable d’un collégien de 13 ans. Et un élève de cinquième, âgé de 12 ans, est mort, tué par balles. Lundi, 16 heures, la cloche du collège des Trois-Pays d’Hégenheim (Haut-Rhin) venait de sonner la fin des cours. Les élèves, comme chaque soir, se répartissent dans les cars qui assurent le ramassage scolaire. Car l’établissement couvre un vaste secteur de 17 communes. Une zone périurbaine, paisible, faite d’imposants pavillons, dans la campagne frontalière avec la Suisse et l’Allemagne, troublée seulement par quelques cambriolages et le survol des avions décollant de l’aéroport tout proche de Bâle.

Collection d'armes. Ce lundi après-midi, Séverine reçoit un coup de fil de son fils, passager du car à destination de Ranspach. «Maman, il y a eu une explosion, viens me chercher.» Elle quitte immédiatement son travail. «J'ai été rappelée par le collège, ils m'ont dit de ne pas m'in quiéter mais mon fils m'a à nouveau téléphoné et demandé de venir tout de suite… J'ai foncé.» Elle donne l'alerte à d'autres parents, et restera «enfermée au collège avec [son] fils jusqu'à 21 h 30 pour les besoins de l'enquête».

Une gamine envoie un message à son père, elle ne comprend pas pourquoi elle aperçoit par la fenêtre de sa classe un corps allongé sur le bitume, sous une bâche. Elle joint une photo au message. Les parents accourent, nombreux. A ce moment-là, le périmètre est bouclé, ils sont dirigés vers le complexe culturel et sportif voisin alors que les enfants sont confinés. C'est la panique. «Il y avait le Samu, les pompiers, des militaires partout. On a cru à un kamikaze dans l'établissement, se souvient Katia, mère d'élève. Le collège nous a rassurés, cela n'avait rien à voir avec les attentats. Puis, le réseau téléphonique a été coupé. On n'avait plus de nouvelles des enfants. Alors, tous, on regardait sur Internet et on a compris que c'était très grave.»

Le collégien, touché dans la partie supérieure du corps, a succombé à ses blessures. Les gendarmes ont procédé à une fouille des 35 passagers du car. C’est là qu’ils ont retrouvé l’arme. Son détenteur se trouvait toujours en garde à vue, mardi soir. Des recherches balistiques sont en cours pour tenter de savoir si le tir est parti de manière involontaire. Lors de son audition, il aurait affirmé que l’arme venait de la collection de son père. Vaste collection, selon une source proche du dossier, puisque plus de 150 armes de chasse et de tir sportif, ainsi qu’une tonne de munitions, ont été retrouvées lors d’une perquisition chez le père, qui pratiquait le tir en club sportif. Le parquet de Mulhouse refuse désormais de communiquer.

«C'est un drame terrible. L'école doit être un lieu de joie et d'épanouissement pour les élèves et non d'insécurité», commente Patricia Schillinger, sénatrice socialiste et ancienne maire d'Hégenheim. «Les lois ne servent à rien si on ne responsabilise pas les parents. Ils doivent prendre leur place ; on n'apprend pas tout à l'école, poursuit l'élue. Peut-être un rappel à l'ordre est-il nécessaire : on ne laisse pas d'armes à disposition, pas d'alcool, pas d'images violentes… On dialogue, on explique et si c'est trop difficile, on demande de l'aide.»

«Bizarre». Des employés du collège ont installé un petit panneau grillagé sur le trottoir, à l'endroit où le garçon a perdu la vie. Ses camarades y accrochent dessins, fleurs, bougies. On y pleure. Des profs filent vite vers leur voiture, le principal du collège ne s'est pas montré. Une inspectrice de l'éducation nationale s'est chargée de l'accueil le matin. Marie, 12 ans, marche dans les pas de sa mère, les yeux au sol. «Je le connaissais de vue. J'étais en cours de sport, dehors, quand ça s'est passé. J'ai entendu une déflagration et je l'ai vu couché par terre… J'ai eu très peur, c'est bizarre que cela arrive ici, je ne sais pas comment réagir.» La jeune fille ne veut pas aller au collège. Lucie, grande blonde au perfecto noir, 15 ans, n'a pas non plus franchi la grille gardée par un surveillant. Elle a «mal à la tête et au ventre». «A 12 ans, on a la vie devant soi… Je suis choquée.»

Une cellule psychologique a été mise en place. Une fillette se cache pour ne pas voir sa mère s'effondrer, en larmes, face à des journalistes. Une maman tient son adolescent par les épaules, murmure parfois quelques mots à son oreille. Il a déposé un oiseau en origami. «On s'associe à la douleur des familles, on pense aux vies brisées, dit sobrement la mère, avant de reprendre. Je connais la famille de l'autre garçon, celui qui a tiré. Une famille bien, un adolescent normal avec ses côtés agréables et désagréables. Il y a un truc qui a dérapé forcément quelque part… Et le climat angoissant n'arrange rien.»

Photo Pascal Bastien