Jean-Marc Tanguy, journaliste spécialiste de l'armée française et de la police, enquête depuis 2003 sur le Raid. Il a récemment publié l'ouvrage Raid, trente ans d'interventions (éd. Pierre de Taillac). Pour Libération, il analyse l'assaut mené conjointement par le Raid et la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) mercredi à Saint-Denis.
«Cette opération était à l’évidence ultraviolente mais il faut se prémunir contre toute logique de graduation. En 1996, le Raid avait déjà essuyé une forte résistance lorsqu’il était intervenu pour déloger le gang de Roubaix [des braqueurs islamistes, dont certains ont combattu en 1994-1995 en Bosnie au sein de milices défendant la cause musulmane, ndlr]. Je dirais même que la tâche était particulièrement ardue à l’époque parce le commando du Raid n’était constitué que de 12 à 15 policiers. En sus, le matériel était bien moins performant que maintenant. A Roubaix, le Raid a été prévenu la veille, et n’a eu que très peu de temps pour étudier la toponymie des lieux. Les policiers ont tiré des centaines de cartouches.»
«Cette fois-ci, il semble que la sous-direction antiterroriste avait recueilli pas mal d’éléments. Ce qui est sûr, c’est que le Raid s’attendait à une lutte totale. L’enjeu, lors des briefings de préparation, est bien évidemment de connaître le plan de l’immeuble, de l’appartement, et même le type de portes qu’il faudra franchir car les techniques d’intrusion varient. Ensuite, le trajet sur le lieu d’intervention doit se faire discrètement pour ne pas éveiller les soupçons d’éventuels guetteurs. Enfin, les hommes ont l’obligation d’encaisser la fatigue et la tension. Parfois, entre le briefing et l’assaut, il faut veiller toute une nuit. Lors des tests de recrutement, on use les candidats avec le froid, l’humidité, le manque de sommeil. Des tests qui prennent tout leur sens avec l’assaut de Saint-Denis.»