Rétablir les frontières nationales ? La facilité avec laquelle les terroristes ont circulé d’un pays à l’autre ou bien de Syrie en Europe donne évidemment des arguments à cette thèse, qui déborde maintenant les rituelles demandes du Front national. Et le repérage de certains suspects grâce à des contrôles effectués entre la France et la Belgique accrédite le raisonnement. Rendre les agissements des assassins plus compliqués à mettre en œuvre, faire planer sur eux le risque de contrôles accrus : cela semble le bon sens même. A cela deux réponses. Les accords de Schengen, en premier lieu, prévoyaient dès l’origine la possibilité du rétablissement des contrôles en cas de situation exceptionnelle. Nous y sommes. Autrement dit, les mesures prises sont conformes à l’esprit et à la lettre de ces accords, comme l’exception qui confirme la règle. Une exception qui sera prorogée autant que nécessaire. Mais, surtout, faut-il affaiblir l’esprit européen, la coopération à l’échelle du continent, quand les terroristes, en ce sens tragiquement plus modernes que les hérauts du nationalisme, ont déjà bâti une Europe de la terreur, concevant leurs attentats à l’échelle internationale, planifiant dans un pays les attaques qu’ils mèneront dans un autre ? Pour combattre l’internationale jihadiste, faut-il se replier sur le pré carré national ? Comme si, à l’heure de la mondialisation, la France pouvait soudain s’abstraire des menaces extérieures, qui sont dirigées, de toute évidence, contre toutes les nations démocratiques, sans grand effort de distinction entre elles. En matière de lutte antiterroriste aussi, l’union fait la force. C’est par une plus grande coopération européenne que nous pourrons combattre plus efficacement, et non par des propositions sommaires, pour ne pas dire démagogiques, qui n’ont d’autre but que de démanteler l’Union.
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