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Constitution

L’état d’urgence, quelle version ?

Si la prolongation pour trois mois du dispositif ne fait pas débat, l’Assemblée doit voter jeudi son actualisation.
Le Congrès rassemblé le 16 novembre, devra revenir à Versailles dans moins de trois mois pour voter la modification de la Constitution. (Photo Laurent Troude pour Libération)
publié le 18 novembre 2015 à 20h26

Un semblant d'union nationale. Après la cacophonie des questions d'actualité mardi à l'Assemblée nationale, les députés doivent adopter, ce jeudi, à la quasi-unanimité, la prolongation pour trois mois de l'état d'urgence décrété samedi dernier. Le Sénat est appelé à faire de même vendredi et permettre ainsi aux forces de l'ordre, jusqu'au 26 février 2016, de se passer de garanties juridiques (perquisitions hors mandat, assignations à résidence, interdictions et fermetures provisoires…) pour «mener efficacement le combat contre le terrorisme», a insisté le ministre de l'Intérieur devant la commission des lois de l'Assemblée mercredi. La loi du 3 avril 1955, qui institue l'état d'urgence, oblige le gouvernement à passer devant les parlementaires dans les douze jours s'il veut prolonger le dispositif. C'est ici l'occasion de modifier une loi datant de la guerre d'Algérie. Le gouvernement veut ainsi élargir le «régime d'assignation à résidence» à «toute personne» pour qui «il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public». Il sera aussi «interdit à la personne assignée à résidence d'entrer directement ou indirectement en contact avec des personnes soupçonnées également de préparer des actes portant atteinte à l'ordre public». Les perquisitions seraient, de leur côté, encadrées : «les locaux» des parlementaires, des avocats, des magistrats ou des journalistes en seraient exclus.

Comme les ordinateurs personnels n'existaient pas il y a soixante ans, les «copies […] stockées dans tout système informatique» seraient autorisées. Il serait possible aussi de «dissoudre» fissa les groupes qui «participent, facilitent ou incitent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public». Enfin, le «contrôle de la presse ou de la radio», mesure qui «n'a plus de pertinence dans le monde d'abondance médiatique , a précisé Cazeneuve, [sera] supprimé». Une décision sur laquelle une partie des députés a tenté de revenir mercredi. «L'état d'urgence doit demeurer exceptionnel, [il] ne doit pas perdurer au-delà de la période nécessaire», a voulu rassurer le député PS, Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du texte, proposant un «contrôle étroit et constant du Parlement» comme, par exemple, en état d'urgence, une «audition régulière du ministre» de l'Intérieur et la suppression de la justice militaire.

A droite, on propose de placer les assignés à résidence sous surveillance électronique et de permettre aux policiers de garder leurs armes de service à tout moment en dehors des heures de travail. A gauche, si le soutien au gouvernement se veut «sans ambiguïté», plusieurs voix distinguent déjà ce vote de la révision constitutionnelle que l'exécutif prépare et veut voir adoptée dans les trois mois. «Nous ne sommes pas prêts à inscrire dans le marbre des éléments qui, demain, pourraient créer un régime d'exception», prévient André Chassaigne (PCF). Sergio Coronado (EE-LV), qui votera contre le projet de loi comme trois autres députés - Noël Mamère et Isabelle Attard du groupe écolo, et Pouria Amirshahi au PS - met en garde les siens : «Quand on n'a pas ouvert sa gueule avant, c'est difficile de le faire après.»