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Libération

Attentats Paris. Portraits des personnes tuées

publié le 18 novembre 2015 à 18h36

Marion Jouanneau 24 ans Tuée au Bataclan

«Marion est morte» : c'est par ce tweet que son compagnon, Loïc, a annoncé la nouvelle lundi après-midi, après trois jours d'une terrible attente pour la famille et les proches de Marion Jouanneau, qui s'étaient mobilisés dans l'espoir de la retrouver vivante. Originaire de Chartres, en Eure-et-Loir, cette jeune femme aux cheveux argentés, était venue spécialement à Paris avec son petit ami pour le concert d'Eagles of Death Metal. «Ils avaient pris leurs billets, et on devait se retrouver après le concert dans le quartier», raconte sa sœur Sophie.

Marion et Loïc sont en première ligne dans la fosse du Bataclan quand la fusillade éclate. Touchée par une rafale, elle tombe inconsciente et Loïc est séparé d'elle dans la bousculade et l'effroi. «Je la voyais inconsciente à quelques mètres de moi, mais je ne pouvais pas bouger. J'attendais de pouvoir lui porter secours… C'était horrible, insoutenable de la voir ainsi, sans pouvoir l'aider, avec cette boucherie tout autour de moi…» raconte le jeune homme.

Rescapé de la tuerie mais séparé de Marion au moment de la prise en charge par les secours, il la cherchait depuis partout dans les hôpitaux, lançant des appels sur Facebook et Twitter, sillonnant Paris avec des pancartes en compagnie d’autres proches de Marion : Sophie, son oncle et ses cousins… Mais Marion, qui a succombé à ses blessures, faisait partie des victimes en cours d’identification.

Elle aimait Loïc, ses amis, les chats et voyait la vie comme un pur moment de rock'n'roll. «C'était ma grande sœur d'un an. Elle était toujours dynamique, souriante et surtout très généreuse, témoigne Sophie. Elle adorait la musique, le dessin et les jeux vidéo.» Marion avait été scolarisée au lycée Marceau, à Chartres. Elle travaillait depuis quelque temps dans un cabinet d'expertise judiciaire. Pleine de projets, la jeune femme voulait reprendre ses études, partir à New York. Son amoureux, qui a reçu d'innombrables messages de soutien, a écrit sur Twitter : «Je l'ai vue mourir mais je ne voulais pas y croire.» Et plus loin : «Je n'ai jamais imaginé vivre sans elle.» Il a toutefois trouvé la force d'encourager ceux qui n'avaient pas encore retrouvé leurs proches à garder espoir. J.-C.F.

Cédric Mauduit 41 ans Tué au Bataclan

«Il se faisait une joie de partager ce concert avec ses cinq amis, il est devenu la cible d’un terrorisme aveugle.» Samedi, le conseil départemental du Calvados a été parmi les premiers à rendre hommage à Cédric Mauduit, 41 ans, son directeur de la modernisation mort au Bataclan : «Nous perdons, en ce jour, un de nos meilleurs collaborateurs.» Plusieurs rassemblements ont eu lieu dans le département dimanche pour honorer sa mémoire. L’un sur l’esplanade du Mémorial de Caen, la ville où il travaillait, et à Rouxeville, dans la Manche, d’où il était originaire. «C’était quelqu’un de brillant, qui avait réussi le concours d’entrée à Sciences-Po Rennes. Tout a toujours bien fonctionné pour lui, raconte sa mère à Libération. La musique était très, très importante pour lui. Il est mort dans ce qu’il aimait.» Cédric Mauduit était aussi membre du comité de soutien de la campagne d’Hervé Morin, tête de liste UDI-les Républicains aux régionales en Normandie. Il laisse derrière lui une fille de 3 ans et un fils de 7 ans.

«Il a habité plusieurs années à Paris. Mais après l'attaque de Charlie Hebdo en janvier, il a trouvé du travail à Caen et déménagé à Lion-sur-Mer pour avoir une vie paisible, explique sa mère. Il voulait échapper aux attentats.» Le frère de Cédric Mauduit a lancé un appel sur Facebook pour faire venir les Rolling Stones et David Bowie à son enterrement : «C'était le plus grand fan des Rolling Stones et de David Bowie que j'ai connu. […] Cette idée peut paraître folle, mais c'est le moins que je puisse faire pour mon frère aimé.» G.Si.

Djamila Houd 41 ans Tuée à la Belle équipe

Mère d’une fillette de 8 ans, «aussi belle qu’elle», fan de Marvin Gaye et de Stevie Wonder, Djamila Houd a été tuée vendredi soir à la terrasse du café la Belle Equipe, où elle buvait un verre avec des amis. Elle avait 41 ans et travaillait dans une grande maison de prêt-à-porter parisienne.

Fille de harki, et originaire de Dreux (Eure-et-Loir), Djamila Houd «était un vrai modèle pour nous. On se reconnaissait en elle», ont dit dimanche à la République du Centre des proches venus lui rendre hommage, dans la rue où habite encore sa famille, et où Djamila Houd repassait souvent. Toujours avec le sourire.

Ses amis décrivent une femme heureuse, douée, symbole de réussite. Et surtout une femme libre. «Libre de vivre comme elle l'entendait. Libre de s'asseoir à la table d'un café à Paris avec des amis. C'est cette liberté-là qu'ils ont voulu tuer. Ces fanatiques détestent la liberté, détestent ce qu'incarnait Djamila.» T.B.

Maxime Bouffard 26 ans tué au Bataclan

Originaire du Coux-et-Bigaroque, en Dordogne, dans le Périgord Noir, Maxime Bouffard a été tué pendant la fusillade au Bataclan. «Sa sœur m’a prévenu le soir même, relate le maire de la commune, Michel Rafalovic, et elle m’a demandé d’aller prévenir leurs parents de la terrible nouvelle. Nous avons pris la route pour Paris tous les trois.»

Enfant du Coux, élève au lycée René-Cassin à Bayonne, ancien joueur de rugby, Maxime Bouffard était très connu à Saint-Cyprien, où il avait joué dans le club de la commune et où sa mère est pharmacienne. A 19 ans, Maxime était parti à Sarlat et Biarritz pour faire des études de technicien dans l’audiovisuel. Depuis quatre ans, il s’était installé à Paris, où il réalisait des films et des clips. Et depuis plus d’un an, il travaillait sur le clip de Joséphine avec le groupe le Dernier Métro.

«Il en était si fier, on était si fier de ce qu'il avait fait pour nous. Ce projet est le sien, cette chanson est, et restera, la sienne», témoignent Margaux et Bruno du Dernier Métro sur Facebook. Passionné de musique (il postait très souvent des morceaux et des clips), le jeune réalisateur avait récemment créé sa propre société de production. «On était fier de lui, reprend Michel Rafalovic. C'était un grand gaillard de 1,90 m, enjoué, toujours avec le sourire, fêtard. Dès qu'il le pouvait, il descendait voir ses copains, sa famille, son territoire.» F.Rl

Renaud Le Guen 29 ans Tué au Bataclan

La fiancée de Renaud Le Guen, Floriane, qui l'accompagnait vendredi au concert d'Eagles of Death Metal, a trouvé le courage de témoigner auprès de Libération : «On était cinq au Bataclan : Renaud, moi, ses frères Eliott et Axel, et la copine d'Axel [tous quatre ont survécu, ndlr]. On était dans la fosse. Il s'est un peu éloigné, moi je suis restée sur le côté. Quand ça s'est produit, je l'ai perdu de vue… Renaud était quelqu'un de très cultivé et doux. Il aimait le jazz, le rock, la photo, être avec sa famille et ses amis. Il travaillait dans un garage pour véhicule poids lourds près de la gare d'Evry-Courcouronnes [Essonne]. On habitait pas loin, à Savigny-sur-Orge, où il a grandi, dans un appartement qu'on avait acheté il y a quatre ans. J'ai partagé sa vie pendant douze ans. Il en avait 17 lorsqu'on s'est connu. On allait se marier l'année prochaine…» G.Si.

Valentin Ribet 26 ans Tué au Bataclan

Valentin Ribet a été l’une des premières victimes des attentats identifiées dans les médias internationaux. De nombreux hommages ont été rendus à l’avocat de 26 ans, diplômé en droit des affaires de la Sorbonne, puis de la prestigieuse London School of Economics (LSE). Dans un communiqué, le cabinet d’affaires Hogan Lovells, dans lequel travaillait le jeune homme depuis l’an dernier, décrit «un avocat talentueux, très apprécié, et une merveilleuse personnalité à avoir dans l’équipe». Il se spécialisait dans le crime en col blanc et la fraude. Le barreau de Paris a salué la mémoire d’un «jeune avocat de talent». «Nos cœurs sont remplis de tristesse», a quant à elle fait savoir la LSE, où Valentin Ribet avait étudié le droit international des affaires en 2013 et 2014.

Ses parents tiennent à affirmer qu'ils ne sont «pas uniques» - «il y a d'autres victimes de 26 ans» -, et qu'ils n'ont «pas de haine et ne veulent pas la guerre». Valentin a «toujours grandi dans l'amour, il était toujours joyeux». Il était «intelligent, bienveillant, plein d'humour», se remémore un de ses camarades de la LSE. «Le mec le plus drôle et le plus gentil que je connaisse, complète un ami. Bon vivant, déconneur, fan de rock.» Valentin Ribet a été tué vendredi soir, alors qu'il assistait au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan avec sa compagne, blessée lors de l'attaque. I.H.

Madeleine Sadin 30 ans Tuée au Bataclan

Madeleine Sadin ne fera plus cours. Au collège Chérioux de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), élèves et enseignants pleurent cette jeune professeure de français, qui s'est rendue vendredi au Bataclan avec un collègue. Lui s'en est sorti. «J'avais les larmes. C'était ma prof principale il y a deux ans. C'était la meilleure», a confié un ado au Parisien. Agée de 30 ans, Madeleine Sadin avait d'abord enseigné dans le XXe arrondissement de Paris, où elle a aussi été pionne. Après le travail, elle prenait des cours de «lindy hop», une danse née dans la communauté afro-américaine de Harlem, rapporte le Parisien. Elle consacrait aussi de son temps à donner des cours de français aux adultes, écrit encore le quotidien, et faisait partie d'une communauté de 1 500 profs qui travaillaient à la conception de manuels gratuits et collaboratifs. Son cousin Simon Castéran, un journaliste toulousain, a écrit une lettre ouverte à l'Etat islamique, dans laquelle il évoque«une intellectuelle qui aimait son métier» et «une femme libre et heureuse, pleine de cette lumière intérieure qui vous manque tant». K.H.-G.

Éric Thomé 39 ans Tué au Bataclan

Sur le site internet d’Eric Thomé, designer et photographe, des portraits d’inconnus au regard rêveur, photographiés perdus dans leurs pensées, le vert doux et étrange d’arbres psychédéliques, le dos de passants dans la rue, une semaine de vacances en détails ensoleillés. Eric Thomé, 39 ans, aimait explorer, découvrir, expérimenter, flâner, rencontrer, et partager cela avec les autres. Il est mort sous les balles au Bataclan. «Il était fan de rock, de photographie, de design graphique, il sortait dans des concerts, des expos, c’était l’homme le plus curieux, ouvert sur le monde que je connaisse, dit une de ses amies. Les gens qu’il aimait, c’était des gens de toutes cultures, de tous horizons, de tous milieux.» Un «passionné», dit Laurent, l’un de ses plus proches. «Il aimait faire découvrir des pépites musicales et cinématographiques à ses amis.»

Directeur artistique pendant huit ans d'une agence de publicité, Eric Thomé avait monté avec Laurent son agence de design graphique, Weareted. Ingénieuses, colorées, bourrées d'esprit et d'humour, leurs illustrations, réalisées pour des grands groupes ou de petites boîtes, enveloppent le quotidien de malice et de poésie. Eric Thomé était père d'une petite fille de 5 ans. Sa compagne, Laurence, est enceinte de huit mois de leur deuxième enfant. O.M.

Victor Muñoz 25 ans Tué à la Belle équipe

Né à Barcelone, Victor Muñoz parlait couramment plusieurs langues. Il aimait voyager, si l'on en croit son profil Linkedin, et avait passé près de la moitié de sa vie en Espagne, avant de rejoindre la France. Il avait également passé une année à Prague. Vendredi soir, il buvait un verre à la Belle Equipe, dans le XIe arrondissement de Paris, où ses deux parents sont militants socialistes, quand les terroristes ont fait irruption. Selon le JDD, Victor Muñoz n'avait que 13 ans quand il a créé son premier site web, consacré à la poésie. Il avait récemment été diplômé d'un master spécialisé en digital business de la Paris School of Business, et réalisait un stage dans une start-up. K.H.-G.

Olivier Hauducoeur 44 ans Tué au Bataclan

Il travaillait pour une banque et aimait les concerts de rock. Olivier Hauducoeur, 44 ans, a perdu la vie vendredi au Bataclan. Originaire de l'Essonne, il avait été au collège à Crosne et au lycée à Montgeron, puis avait fait maths sup au lycée Saint-Louis, à Paris, avant d'intégrer l'Ecole nationale supérieure d'ingénieurs de Caen. Depuis 2006, il travaillait pour la BNP, d'abord pour Cetelem puis, plus récemment, pour la filiale Arval, qui propose de la location automobile de longue durée. Sur sa page Copains d'avant, qu'il n'avait plus actualisée depuis au moins cinq ans, Olivier Hauducoeur avait mentionné parmi ses loisirs le sport, en particulier le badminton, et la lecture, surtout de romans policiers ou de science-fiction. Il aimait le rock, mais aussi la variété, et grattait lui-même sa guitare. Olivier Hauducoeur appréciait aussi les voyages : il avait exploré toute l'Europe du Sud, le Royaume-Uni, la Tunisie, et les Etats-Unis. Il laisse derrière lui sa femme et deux enfants. K.H.-G.

Quentin Boulenger 29 ans Tué au Bataclan

Né en 1986, Quentin Boulenger était originaire de Reims (Marne). Il était diplômé de l'école de commerce nantaise Audiencia, et travaillait comme responsable digital international chez L'Oréal. Jeune marié, il vivait dans le XVIIe arrondissement de Paris. Vendredi, il était au Bataclan, et n'a pas survécu à la fusillade. C.Gh.

Fabrice Dubois 46 ans Tué au Bataclan

Ses collègues l'appelaient «le géant vert». Fabrice Dubois, 46 ans, marié et père de deux enfants de 11 ans et 13 ans, second d'une fratrie de trois, mesurait un bon 2 mètres. Sa sœur Nathalie se souvient aussi du surnom «le gentil géant», sans doute car ce rédacteur concepteur à l'agence Publicis Conseil était «doux, timide, pas nerveux, un père incroyable, très famille». Il avait commencé sa carrière dans l'agence BETC au moment de sa création, avec Pascale Gayraud, son binôme pendant vingt ans, qui se souvient : «Il était intelligent, très drôle, et savait écrire, ce qui n'est plus le cas de beaucoup de rédacteurs». Très curieux aussi, fan de cinéma (il avait fait de la figuration), de comics américains, de voyages. Il avait imaginé, avec Pascale Gayraud, des pubs pour Hollywood Chewing Gum, Canal + et Renault (le spot Kangoo avec les Simpson, c'était eux.) Le binôme partageait un goût pour le rock, et pour les Eagles of Death Metal. Le 13 novembre, ils étaient revenus les voir en concert. Par E.F.-D.