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Libération

Raphaël Ruiz, 37 ans, tué au Bataclan

publié le 19 novembre 2015 à 18h06

Le groupe pop-rock amateur dont il tenait la guitare et les rênes a pour nom potache les Présidents du vice. Raphaël Ruiz, 37 ans, était un dingue de musique. Fan de U2, il s'apprêtait à enquiller quatre concerts de la bande à Bono avec son frère fusionnel, Christophe, qui raconte : «On traduisait les paroles du groupe en français, ça nous faisait marrer. Souvent, ça ne voulait plus rien dire ; mais c'était devenu une sorte de langage entre nous.» Christophe, qui habite Lyon, devait accompagner Raphaël au concert du 13 novembre au Bataclan. Des travaux dans sa maison l'ont fait reporter sa venue à Paris au dimanche d'après - pas question de rater U2.

Au-delà de son amour pour le groupe de Dublin et pour la bière Kilkenny, Raphaël Ruiz s'était intéressé à l'histoire de l'Irlande : une thèse de doctorat sur les conflits qui ont agité le pays l'avait amené à vivre six mois à Belfast. Son frère, de quatre ans et demi son aîné, dit, plein d'admiration : «Il était très mature, Raph, et carré, sérieux, pas du genre à ne pas aller au fond des choses. Plutôt réservé de nature, il ne prenait pas facilement la parole, mais quand il parlait, il avait un argumentaire et un avis très solides, jamais pour ne rien dire.» Leur cousin Arnaud Julliard confirme : «Raphaël était brillant, c'est vrai. Mais il était néanmoins un modèle d'humilité, qualité rare de nos jours. Certes, il était réservé, mais ce qu'il dégageait faisait qu'on avait toujours envie d'écouter ses points de vue car il était très fin et équilibré dans ses analyses.»

Né à Bourg-de-Péage (Drôme), Raphaël Ruiz vivait depuis une dizaine d'années à Paris, rallié pour un CDI de rédacteur de comptes rendus de réunions chez Ubiqus. «Il aurait voulu devenir journaliste, précise son frère, il avait d'ailleurs réussi le concours de l'école de Strasbourg, mais il a préféré rester sur son doctorat car il était rémunéré. Et il en avait marre des Parisiens et du métro… Mais il y avait les activités culturelles : il était toujours à l'affût.» Célibataire, sans enfant, ça ne l'empêchait pas d'adorer la compagnie de ses filleuls, Lily et Ellis. Son cousin, Arnaud Julliard : «Raphaël était quelqu'un de très responsable vis-à-vis d'autrui, de son frère, de ses parents. Sa manière d'être avec les autres et ses proches était vraiment admirable.» Son frère : «C'était quelqu'un de profondément gentil et généreux : il accordait beaucoup de temps aux gens qu'il appréciait.» Sur la photo qu'il nous transmet, on voit un grand gaillard souriant, solide : régulièrement, «Raph» alignait les longueurs en piscine. Christophe dit que, maintenant, Raphaël n'est plus avec lui, mais «en [lui]». Et que, oui, il continuera à écouter U2. Soudain, solennel, il émet un souhait : «Je sais que c'est fou, mais je voudrais que U2 vienne à l'enterrement de mon frère.» Ça atténuerait, un peu, l'horreur de ce friday, bloody friday du 13 novembre.