Sur les photos d'elle que prenaient sa famille et ses amis, Fanny Minot avait souvent le même petit sourire en coin, comme une virgule amusée. Elle était«espiègle et mystérieuse», précise Claire, son amie depuis la fac de ciné. «Une fille qui adorait la fête, et elle n'y allait pas à moitié. Mais en même temps tellement droite, respectueuse.» La concierge de leur ancienne colocation, qui les engueulait pour leurs bringues, a recherché Claire pour lui dire ses condoléances. Fanny Minot, 29 ans, était fan de musique et de cinéma. Le 13 novembre, elle avait enfilé sa chemise bleue «rock», comme elle disait, pour aller au concert d'Eagles of Death Metal au Bataclan avec son amie Chloé, grièvement blessée. «On l'avait charriée sur cette chemise», se souvient une amie de Bangumi, la société de production du Supplément et du Petit Journal sur Canal +, où Fanny Minot était monteuse depuis des années. «C'était une fille discrète, sensible, et elle montait ses sujets comme ça, avec beaucoup d'attention et de perfectionnisme, dit Jérôme, un collègue. Dans notre univers de speed, ça détonne : on était vraiment content quand on tombait avec elle.»
Fanny Minot est née aux Ulis, dans l'Essonne. «On oublie les noms de nos élèves et pourtant, bizarrement, on se souvient d'elle, une grande fille innocente et malicieuse», écrit sa prof de philo de terminale. Elle a enchaîné sur un master de cinéma, déménagé à Paris, mais est restée très proche de ses parents et de son petit frère, Robin, qu'elle choyait, comme elle choyait ses amis. «C'était quelqu'un d'extraordinairement empathique, c'est elle qui prenait soin de tous ceux qui l'entouraient, raconte Yal, son ex-petit ami. Sa plus grande terreur était de voir ses proches souffrir.» Fanny Minot était une jeune fille «douce et calme, et en même temps avec une énergie et un humour un peu noir qui en faisaient une personne singulière, à part», complète son ami Jérémy. Elle aimait les voyages, les randonnées et le trekking, qu'elle pratiquait avec son père, Jacques. «C'était une aventurière, dit son amie Candice. On était une bande de copines, on sortait, on faisait la fête, on allait au ciné, dans des expos, au resto, on vivait, quoi.» Passionnée de séries Z, Fanny Minot avait réalisé avec son amie Claire un court métrage, It'll Be a Long Hard Grind. L'épopée jouissive de prostituées cannibales qui mangent leurs clients : bourrée de second degré, sur une bande-son vivifiante. «Claire, le moment venu, pourras-tu (si tu y es favorable), faire connaître comme tu le jugeras bien It'll Be a Long Hard Grind ?» a écrit Jacques, le père de Fanny Minot. Avec comme message qu'au-delà du «délire» et de l'amusement, avant tout plusieurs choses étaient importantes pour elle : la dérision, l'impertinence, la douceur et la bienveillance.