Pierre Innocenti, 40 ans, tué au Bataclan
Pierre Innocenti était à la tête de Chez Livio, un établissement très connu de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), fondé par son grand-père en 1964. «C'était un beau gosse brillant, intelligent, passionné par la bonne bouffe, qui cherchait les meilleurs produits pour ses pizzas, raconte un proche. Avec son associé Stéphane Albertini (lire ci-contre), ils étaient en train de faire un super resto.» «Il était charismatique, drôle et brillant. C'était un amoureux des sports extrêmes, surtout de surf et de freefly [discipline du parachutisme, ndlr]. Sa joie de vivre et son goût de l'aventure l'ont mené dans le monde entier. Il avait des amis partout», raconte une proche.
Quelques minutes avant l'attaque, il a posté sur Facebook une photo de l'entrée de la salle de concert avec le statut : «Rock !» A.Vac. et E.V.B.
Stéphane Albertini, 39 ans, tué au Bataclan
Stéphane Albertini était le cousin et l'associé de Pierre Innocenti (lire ci-contre) au restaurant Chez Livio, à Neuilly. Comme celui-ci, il a été tué au Bataclan. Ils étaient proches du gardien de but du PSG Salvatore Sirigu. Les joueurs parisiens ont leurs habitudes Chez Livio, où ils organisent des dîners. «Stéphane était drôle et subtil, toujours souriant, toujours partant. Il faisait rire tout le monde. Il était très apprécié, c'était quelqu'un d'incontournable. Chez Livio, il était le troisième mousquetaire», dit de lui une proche. A.Vac. et E.V.B.
Romain Didier, 32 ans, tué à la Belle Équipe
C’est dans une avalanche d’anecdotes joyeuses que les amis de Romain Didier lui rendent hommage. «Quand tu me faisais manger du chèvre à 16 heures avec des bonbons», quand «tu me parlais espagnol alors que tu savais que je détestais ça», quand «tu chantais des titres de rap américain francisés avec un naturel déconcertant qui provoquait l’hilarité»… Et puis ses «baskets jaunes», et le coup du jet d’eau au mariage, et «Doudou le lapin» que Romain Didier avait offert au bébé d’un couple d’amis. Tant de souvenirs à l’image de l’homme de 32 ans qui dînait à la Belle Equipe le 13 novembre avec Lamia, sa petite amie (lire ci-contre). Ils y avaient retrouvé des copains venus boire un coup pour un anniversaire. Boire des coups, il savait faire, surtout les vins de Sancerre, son terroir - il a grandi à Sury-en-Vaux. «Bon vivant» est le premier mot venant à l’esprit de ceux qui l’ont connu. Servir les coups, il maîtrisait aussi : c’était son job, du Little Temple Bar à l’Eden Park Pub, en passant par le Loulou Diner, où il venait de passer responsable. Tous situés à Saint-Germain-des-Prés. «C’était un garçon toujours drôle, vivant, généreux», se souvient une amie d’enfance.
Pour Anel, une camarade de prépa médecine côtoyée à Tours, «Romain était impatient, intrépide et bavard, nerveux et amusant. Il était cette jeunesse qui semble vous dresser le pelage, de celle qui sort, s'amuse, s'enivre avec des connaissances, qui s'intéresse aux autres cultures et qui trinque à la santé de ses amis». Et beau gosse, avec ça, nous dit Pierre : «C'était une boule de nerfs concentrée dans un physique de play-boy. Aussi bon vivant que Depardieu, mais avec trente ans de moins et une gueule d'ange. J'en enviais presque l'arme de séduction massive que tu étais auprès des filles. Personne ne pouvait te résister, il suffisait de te parler juste une fois pour être conquis.» C.Gé.
Lamia Mondeguer, 30 ans, tuée à la Belle Équipe
Passionnée de cinéma et diplômée de l’Ecole supérieure d’études cinématographiques, Lamia Mondeguer était responsable du pôle «comédiens» de l’agence artistique Noma Talents. Elle était à la Belle Equipe le 13 novembre pour dîner avec son petit ami, Romain Didier (lire ci-contre), et y a retrouvé par hasard des amis. Lamia Mondeguer était là chez elle, à 300 mètres de la maison qui l’a vue grandir entre Nadia, sa mère égyptienne, Jean-François, son père breton, Gwendal, son grand frère, et Yohann, son petit frère. Le XIe arrondissement est «comme un village» qu’elle n’a jamais quitté, raconte à Libération son amie de toujours, Marina. Sur une photo de classe republiée ce week-end sur Facebook, Lamia et Marina, «les inséparables», posent parmi leurs camarades «de toutes les couleurs. Il y avait presque autant de nationalités que d’élèves, avec des religions différentes et des cultures diverses. On était tous potes. C’était l’âge d’or, quand il était si simple de vivre ensemble».
Lamia Mondeguer s'est toujours intéressée au monde - participant par exemple au projet 6 Milliards d'autres de Yann Arthus-Bertrand au Grand Palais - et s'est investie dans de nombreuses causes. Elle avait le contact facile, une qualité précieuse dans son métier, et partout ailleurs. C'est simple, dit Marina : elle était appréciée par tout le monde et dans tous les milieux qu'elle fréquentait. «Il y a quantité de gens qui la connaissaient bien et qui l'aimaient. C'était quelqu'un de très doux, parfois fragile, mais surtout solaire, drôle, joyeuse.» C.Gé.
Quentin Mourier, 29 ans, tué au Bataclan
Une image qui dit beaucoup de Quentin Mourier, 29 ans, mort sous les balles au Bataclan, ce sont ces plantations hors sol, feuillages au vent sur le toit de la Cité de la mode, qu’il avait imaginées avec son association Vergers urbains. Ces herbes rebelles, potagers, poulaillers, jardins, fermes éducatives, il en avait semé un peu partout dans Paris et dans les villes alentour, passionné d’agriculture urbaine.
Quentin Mourier a grandi dans un petit village du Haut-Rhin, Rustenhart. Une mère comptable, un père employé dans une usine de papier et un petit frère, Valentin, 15 ans, qu’il adorait. Diplômé de l’Ecole d’architecture de Versailles, «il était passionné par la recherche, plus appliqué à la construction de la ville qu’à la construction tout court», dit son ami Matthieu. «C’était un rêveur conscient, engagé socialement. La tête dans les étoiles mais les mains dans la terre, complète David, un autre de ses inséparables. Pour Quentin, l’architecture n’était belle que si elle permettait de belles relations entre les gens.»
Après deux années passées à l’Atelier international du Grand Paris, un passage par le département «recherches» des Architectes et Ingénieurs associés (AIA), Quentin Mourier avait décidé de monter avec ses amis Emmanuel et Maximilien sa propre structure. Il l’avait baptisée «atelier Bienvenue». Terrain d’action : les friches et quartiers défavorisés, dans lesquels il souhaitait mener conjointement des projets d’agriculture urbaine et de réinsertion sociale. Pour sa thèse, qu’il devait achever prochainement, il avait choisi le thème de l’hospitalité. Sa recherche se concentrait sur la ville de Detroit, aux Etats-Unis. Quentin Mourier voulait montrer comment les habitants se réapproprient des quartiers délaissés, transforment l’hostile en hospitalier. «Le cœur de son travail, c’était que toute situation hostile porte en elle les germes d’une hospitalité», dit David.
«Quentin était tellement ouvert aux autres, il avait tellement de curiosité que parfois il se retrouvait charrette parce qu’il avait rencontré quelqu’un et s’était laissé entraîner dans quelque chose qui n’était pas prévu», raconte Guillaume, un ami d’enfance. «C’était un généreux, un humaniste, mais pas un naïf, rajoute Matthieu. Un amoureux de la musique, peu importe les styles. Un découvreur de nouveaux sons qui faisait partager sa curiosité à ses amis.»
Quentin Mourier avait joué du souba, un des plus gros instruments à vent, dans la fanfare de son école, les Jacky Parmentier. «Il aimait la fête, accueillir des amis chez lui, il aidait beaucoup de gens», dit encore David. Dans le logement de Montreuil qu'il partageait avec Blandine, sa compagne, les tablées étaient joyeuses et les conversations sans fin. O.M.
Pierre-Yves Guyomard, 43 ans, tué au Bataclan
Pierre-Yves Guyomard arbore un sourire amusé en regardant la pluie de petits cœurs en papier, roses, blancs, rouges, parme, fuchsia, virevolter au-dessus de lui et de son épouse, Anne (lire ci-contre), parée de dentelle blanche. Sur le cliché pris au sortir de la mairie de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) en mai 2013, il est un jeune marié heureux. Deux ans et demi plus tard, cet ingénieur du son a été tué lors d'un banal concert au Bataclan, à l'âge de 43 ans. Professeur de sonorisation à l'Institut supérieur des techniques du son de Paris, ce quadragénaire à l'air jovial était «plein de vie et d'espérance», selon le maire de Saint-Germain-en-Laye, où il vivait. Sur Facebook, l'un de ses collègues, Jean-Yves Leloup, évoque un professeur «apprécié par ses étudiants». «Il avait réussi à me faire aimer la sonorisation», confirme Theo, un de ses anciens élèves. Il avait su «transmettre avec passion et humour sa passion et son enseignement», témoigne encore Louis, un autre étudiant, sur le réseau social. Le musicien Sophren, lui, évoque un «ingénieur du son brillant, d'une grande modestie et d'une extrême gentillesse». K.H.-G.
Gilles Leclerc, 32 ans, tué au Bataclan
Son selfie devant la scène du Bataclan (ci-contre), quelques minutes avant le début du concert d’Eagles of Death Metal, a ému le monde entier. Barbe et moustache travaillées, Gilles Leclerc pose au côté de sa compagne, Marianne, bière en main. Elle est indemne, mais le fleuriste de Saint-Leu-la-Forêt (Val-d’Oise) n’a pas survécu à ses blessures.
Devant la boutique familiale, au centre commercial des Diablots, clients et amis s'étaient rassemblés dès le lendemain de la tragédie pour soutenir Nelly, sans nouvelles de son fils. Jusqu'au terrible coup de fil. Sur la page Facebook consacrée aux recherches, sa grande sœur Alexandra demande que soit gardée de «Gillou» l'image d'«un jeune homme gentil, sensible, passionné par les fleurs, la musique et la F1. Un fils, un frère, un namoureux et un ami réservé, mais ayant beaucoup d'amour, de tendresse et d'amitié à partager». Ceux qui le connaissaient insistent sur sa gentillesse, son regard doux, sa bonne humeur. Un «excellent fleuriste, toujours à l'écoute, très sympathique», dit une cliente. Sur sa page à lui, de délicats bouquets de roses côtoient des photos de bolides ou d'impressionnants tatouages rouge et noir, ultra-sophistiqués. Les siens. On y voit des oiseaux. Et puis des fleurs, évidemment. C.Sc.
Fanny Minot, 29 ans, tuée au Bataclan
Sur les photos d’elle que prenaient sa famille et ses amis, Fanny Minot avait souvent le même petit sourire en coin, comme une virgule amusée. Elle était«espiègle et mystérieuse», précise Claire, son amie depuis la fac de ciné. «Une fille qui adorait la fête, et elle n’y allait pas à moitié. Mais en même temps tellement droite, respectueuse.» La concierge de leur ancienne colocation, qui les engueulait pour leurs bringues, a recherché Claire pour lui dire ses condoléances. Fanny Minot, 29 ans, était fan de musique et de cinéma. Le 13 novembre, elle avait enfilé sa chemise bleue «rock», comme elle disait, pour aller au concert d’Eagles of Death Metal au Bataclan avec son amie Chloé, grièvement blessée. «On l’avait charriée sur cette chemise», se souvient une amie de Bangumi, la société de production du Supplément et du Petit Journal sur Canal +, où Fanny Minot était monteuse depuis des années. «C’était une fille discrète, sensible, et elle montait ses sujets comme ça, avec beaucoup d’attention et de perfectionnisme, dit Jérôme, un collègue. Dans notre univers de speed, ça détonne : on était vraiment content quand on tombait avec elle.»
Fanny Minot est née aux Ulis, dans l'Essonne. «On oublie les noms de nos élèves et pourtant, bizarrement, on se souvient d'elle, une grande fille innocente et malicieuse», écrit sa prof de philo de terminale. Elle a enchaîné sur un master de cinéma, déménagé à Paris, mais est restée très proche de ses parents et de son petit frère, Robin, qu'elle choyait, comme elle choyait ses amis. «C'était quelqu'un d'extraordinairement empathique, c'est elle qui prenait soin de tous ceux qui l'entouraient, raconte Yal, son ex-petit ami. Sa plus grande terreur était de voir ses proches souffrir.» Fanny Minot était une jeune fille «douce et calme, et en même temps avec une énergie et un humour un peu noir qui en faisaient une personne singulière, à part», complète son ami Jérémy. Elle aimait les voyages, les randonnées et le trekking, qu'elle pratiquait avec son père, Jacques. «C'était une aventurière, dit son amie Candice. On était une bande de copines, on sortait, on faisait la fête, on allait au ciné, dans des expos, au resto, on vivait, quoi.» Passionnée de séries Z, Fanny Minot avait réalisé avec son amie Claire un court métrage, It'll Be a Long Hard Grind. L'épopée jouissive de prostituées cannibales qui mangent leurs clients : bourrée de second degré, sur une bande-son vivifiante. «Claire, le moment venu, pourras-tu (si tu y es favorable), faire connaître comme tu le jugeras bien It'll Be a Long Hard Grind ?» a écrit Jacques, le père de Fanny Minot. Avec comme message qu'au-delà du «délire» et de l'amusement, avant tout plusieurs choses étaient importantes pour elle : la dérision, l'impertinence, la douceur et la bienveillance. O.M.
Anne Cornet, 29 ans, tuée au Bataclan
Elle aurait eu 30 ans le 11 décembre. Le 13 novembre, Anne Cornet assistait au Bataclan au concert d'Eagles of Death Metal, avec son époux Pierre-Yves Guyomard (lire ci-contre). Lui non plus n'en a pas réchappé. Tous deux étaient «pleins de vie et d'espérance», a raconté sur Facebook le maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), Emmanuel Lamy, qui les a mariés en mai 2013, évoquant encore un «couple heureux et dynamique». Pour l'occasion, Anne Cornet arborait un joli bouquet composé de roses, de renoncules et de pivoines. Après des études de musicologie à Metz, la jeune femme brune aux yeux bleu clair, originaire de Meurthe-et-Moselle, travaillait comme auxiliaire de puériculture à la crèche des Petits Mousses de Chatou (Yvelines). Elle avait également vécu à La Réunion, où ses parents résident toujours, et bossé pour le théâtre de Champ-Fleuri. «Elle était adorable, pleine de vie», a dit d'elle son beau-frère, Christian, à la télévision réunionnaise. K.H.-G.