Manuel Valls avait-il mesuré l'effet de sa sortie devant les députés, jeudi 19 novembre, alors que s'ouvrait l'examen de la loi sur l'état d'urgence ? «Je le dis bien sûr avec toutes les précautions qui s'imposent, déclarait le Premier ministre, mais nous le savons et nous l'avons à l'esprit, il peut y avoir aussi le risque d'armes chimiques ou bactériologiques.» Pressé de questions, il tempérait le soir même sur France 2, assurant que «ce risque est extrêmement limité». Cité par le Monde, Matignon indiquait que ces propos n'étaient liés à aucune «nouvelle information sur l'état de la menace». Dans le climat post-attentats, les déclarations politiques ne sont pas le seul facteur à contribuer à l'anxiété.
Antidote. Ainsi, la disparition à l'hôpital Necker d'une dizaine de combinaisons de protection étanches, de bottes, gants et masques antibactériens, constatée la semaine dernière, a-t-elle été jugée «inquiétante» par le député et maire (LR) du XVe arrondissement de Paris, Philippe Goujon. «Rien n'indique que c'est un vol», explique à Libération la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, qui a porté plainte pour «disparition» : «Plus de 400 personnes» ont accès au local sécurisé dans lequel était entreposé le matériel.
Hasard malheureux du calendrier, a été publié au Journal officiel, le 15 novembre, un arrêté pris la veille et autorisant la Pharmacie centrale des armées à fournir au Samu du sulfate d'atropine, seul antidote aux neurotoxiques organophosphorés tel le gaz sarin, utilisé dans le métro de Tokyo en 1995 par la secte Aum. Or la mesure était «dans les tuyaux administratifs depuis très longtemps», en préparation de la COP 21, rappelle Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des armes chimiques et biologiques. De fait, ce type de risque est pris en compte dans deux volets spécialisés du plan Vigipirate : Biotox (pour la menace biologique) et Piratox (menace chimique). Des dispositifs régulièrement évalués et testés, indique-t-on au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale qui en coordonne l'élaboration, et qu'Olivier Lepick juge «bien rodés».
«Psychose». Quant à un risque en la matière lié spécifiquement à l'Etat islamique, «c'est un événement qu'on ne peut pas totalement écarter», mais à ce stade, estime le chercheur, «la menace est relativement faible, voire très faible». Il est vrai que l'utilisation de gaz moutarde par l'EI en Syrie a été documentée, au début du mois, par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques et que l'effet de «psychose massive réelle, même en cas d'attentat raté», peut le pousser à s'intéresser à ce type d'armes. Mais une telle attaque sur le sol européen serait «très compliquée, pour des raisons logistiques et techniques», autant en termes de transport que de «militarisation», autrement dit de couplage à un système de dissémination.