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Libération
Récit

Une salle de prière musulmane fermée dans le Rhône

Consécutive à l’instauration de l’état d’urgence, l'opération s'est déroulée dans la commune viticole de L’Arbresle sur ordre du préfet, le lieu présentant «un risque sérieux d’atteinte à la sécurité et à l’ordre public» selon ce dernier.
Michel Delpuech, le préfet du Rhône, et Gérard Collomb, le maire de Lyon, le 19 novembre. (Photo Philippe Desmazes. AFP)
par Maïté Darnault, correspondante à Lyon
publié le 27 novembre 2015 à 15h53

A L’Arbresle, dans le Rhône, les discussions de comptoir tournaient, ces derniers temps, plutôt autour de l’arrivée du Beaujolais nouveau que du radicalisme islamiste. Pourtant, c’est dans cette commune viticole de 6 000 habitants, située entre Lyon et Villefranche-sur-Saône, qu’a eu lieu jeudi l’une des premières fermetures de salle de prière musulmane consécutives à l’instauration de l’état d’urgence en France.

Menée sans incident par la gendarmerie, cette opération applique un arrêté pris le même jour par le préfet de la région Rhône-Alpes. «Fréquentée par de nombreux salafistes, dont certains en relation avec des individus pouvant se trouver en Syrie», la salle située à l'arrière de la Maison des associations du bourg présentait «un risque sérieux d'atteinte à la sécurité et à l'ordre public», a-t-il déclaré dans un communiqué. Cette décision, destinée à protéger de «nombreux jeunes», a été prise en lien avec les services de renseignement «qui ont suivi des individus», explique-t-on à la préfecture.

«Proposer une alternative»

Le maire PS de L'Arbresle, Pierre-Jean Zannettacci, confirme à Libération une «fréquentation grandissante, anormale» depuis quelques mois, «avec des gens qui venaient des départements voisins» : «Les choses s'étaient accélérées, il y avait des signes de radicalisation en termes de comportement et d'habillement : on voyait des jeunes du coin se mettre à porter la barbe et la djellaba, les filles qui se voilaient progressivement», détaille l'élu. Si l'intervention de la gendarmerie a pu «rassurer» la population, elle a aussi «choqué» la communauté musulmane, notamment turque, implantée de longue date : «Ils se sentent à la fois stigmatisés et victimes, car ils n'ont plus de lieu de prière désormais», regrette Pierre-Jean Zannettacci.

Dans la région Rhône-Alpes, plusieurs mosquées informelles retiennent l'attention des autorités. A Saint-Etienne, dans la Loire, l'association salafiste Ascem 42 «fait certainement l'objet d'une surveillance, mais ne fait pas l'objet d'une dissolution pour le moment», indique Aldo Oumouden, porte-parole de la grande mosquée de Saint-Etienne, affiliée au Maroc. Ce dernier appelle à faire la distinction entre les «prédicateurs qui prônent la rupture, la violence, et qui doivent être arrêtés, expulsés» et les «vieux qui viennent pour les prières rituelles et pour se rencontrer, sans être très attentifs à tout ça».

«Il ne faut pas laisser les salafistes radicalistes prendre le pouvoir, estime-t-il, mais les fermetures ne doivent pas donner lieu à des dommages collatéraux. Il faut proposer tout de suite aux fidèles une alternative.» Depuis quelques années, les membres de l'Ascem 42 cherchent à se doter de leur propre espace. Sans succès. «Même s'ils parvenaient à réunir des fonds, la mairie ne leur donnerait pas l'autorisation pour détenir un local», affirme Aldo Oumouden.