Faut-il être député ou sénateur pour être tête de liste aux élections régionales et territoriales, qui ont lieu le 6 et le 13 décembre ? Pas forcément, mais ça aide : sur les 171 listes qui se présentent face aux électeurs, 31 sont emmenées par un de nos parlementaires nationaux. Un chiffre élevé et qui vient contredire la tendance affichée par la plupart des partis de vouloir lutter contre le cumul des mandats.
De fait, ce sont au total 107 députés et 52 sénateurs qui sont candidats aux élections régionales 2015, soit plus d'un parlementaire français sur six. Nous les avons tous recensés, afin de mesurer à quel point la logique du cumul des mandats demeurait au sein de la classe politique française, mais aussi pour mieux apprécier la diversité des situations.
Ceux que la loi autorise à cumuler… pour l’instant
Il y a d’abord ceux qui, aujourd’hui, ne sont rien d’autre que député ou sénateur. Pour ces 40 là (27 députés, 13 sénateurs), se présenter aux élections régionales n’est donc pas un problème : la loi les autorise à cumuler un mandat local à celui de représentant de la nation au Parlement. C’est le cas par exemple de Claude Bartolone, l’actuel président de l’Assemblée nationale, tête de liste PS en Ile-de-France – il quittera au moins son poste de président de l’Assemblée s’il gagne –, ou encore de Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste FN en Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais aussi de parlementaires moins connus comme Françoise Guégot, candidate LR-UDI en Normandie.
Il y a ensuite ceux –22 députés et 12 sénateurs– qui sont déjà élus au conseil régional : eux ne font que remettre leur mandat en jeu, tel Alain Rousset, député de Gironde et actuel président du conseil régional d’Aquitaine et tête de liste socialiste dans la nouvelle grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.
Pour ces deux catégories de parlementaires, la loi autorise le cumul des mandats. Mais elle changera en 2017 : un parlementaire ne pourra plus alors être président ou vice-président de région, pas plus que maire ou adjoint au maire, président ou vice-président de conseil départemental, président ou vice-président d’intercommunalité. Seul un mandat local de simple conseiller (municipal, intercommunal, départemental ou régional) pourra être conservé. Ceux qui, à partir de 2016, seront à la fois député ou sénateur et président ou vice-président de région, devront donc choisir en 2017 : abandonner un de leurs deux mandats, ou devenir simple conseiller régional.
Ceux que la loi va obliger à choisir
En attendant que cette nouvelle disposition, votée au début du quinquennat Hollande, ne se mette en place d'ici un an et demi, la loi interdit déjà aux parlementaires de cumuler plus d'un mandat local (1). Et c'est précisément ce à quoi s'exposent les 84 parlementaires restants. Ces 58 députés et 27 sénateurs cumulent déjà un autre mandat local, le plus souvent au sein d'un conseil municipal : Stéphane Ravier, candidat sur la liste FN de Provence-Alpes-Côte d'Azur, est ainsi sénateur et maire de secteur à Marseille ; plus rare, le député François Sauvadet, tête de liste LR-UDI en Bourgogne-Franche-Comté, est lui président du conseil régional de Côte-d'Or.
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S'ils venaient à être élus au conseil régional, ces parlementaires devraient alors renoncer à l'un de leurs trois mandats. Or la probabilité est très forte pour beaucoup d'entre eux, puisqu'ils sont plus de la moitié à figurer en position 1, 2 ou 3 de leur liste départementale (2). Xavier Bertrand, à la fois député et maire de Saint-Quentin (Aisne), tête de liste LR-UDI en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, a ainsi d'ores et déjà annoncé que s'il venait à prendre la tête de la région, il démissionnerait de ses mandats de député et de maire (il pourrait pourtant légalement en conserver un des deux). D'autres parlementaires candidats ont fait le même genre d'annonce, mais pas tous.
Ceux qui ne seront pas élus
Mais être parlementaire et se présenter aux élections régionales est aussi une façon de porter une liste sans pour autant vouloir s'impliquer réellement au conseil régional. Certains se placent ainsi délibérément en queue de liste départementale, pour être à peu près sûrs de ne pas être élus. C'est le cas de Cécile Duflot, députée EE-LV et 41e sur 42 de la liste écologiste à Paris, ou de David Rachline, sénateur et maire FN de Fréjus, 27e sur 27 de la liste frontiste dans le Var.
Enfin, dans certains coins de France, les parlementaires permettent aussi de «faire le nombre». Ainsi, dans le peuplé département du Nord, il fallait présenter une liste de 76 noms, ce qui n'est évident pour personne. On retrouve donc deux députés en queue de liste LR-UDI (François Xavier Villain 66e et Francis Vercamer 74e), trois parlementaires au fond de celle du PC (Jean-Jacques Candelier 63e, Marc Dolez 75e, Michelle Demessine 76e), et la sénatrice Delphine Bataille à la dernière place de la liste socialiste. Le genre d'opération qui se retrouve aussi en Seine-Maritime, dans l'Hérault, le Pas-de-Calais ou la Seine-Saint-Denis.
(1) Sauf dans le cas, assez rare, des parlementaires élus au sein du conseil municipal d'une commune de moins de 1000 habitants, autorisés, eux, à cumuler un autre mandat local.
(2) Le mode de scrutin des élections régionales consiste, au sein de chaque région, en un ensemble de listes départementales regroupées sous la houlette d'une tête de liste régionale. Par exemple, pour être candidat en Ile-de-France, il faut présenter une liste ordonnée au sein de chacun des huit départements de la région, et désigner une tête de liste régionale parmi l'ensemble des candidats ainsi présentés.