Menu
Libération

Manif interdite : huit mois de prison avec sursis pour un jet de canette

publié le 3 décembre 2015 à 21h16

Des «poursuites politiques», mais des jugements qui, eux, ne l'ont pas été. C'est le bilan dressé par Alice Becker, avocate d'un des manifestants de la place de la République qui sont passés en comparution immédiate, mercredi, devant le tribunal correctionnel de Paris. Son client, Isais, un Espagnol de 28 ans, a écopé de quatre mois d'emprisonnement avec sursis. Un autre, Léo, de huit mois avec sursis. La veille, les deux autres dossiers s'étaient soldés par une sanction de trois mois ferme (sans mandat de dépôt, ce qui rend la peine aménageable) et 1 000 euros d'amende. Pour l'instant, personne n'ira donc en prison pour avoir participé au rassemblement interdit de dimanche, marqué par des affrontements avec la police et des interpellations massives.

Isais, sans emploi, vit dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale à Paris. Dimanche, il est venu en toute connaissance de cause, pour «défendre la liberté de manifester». Devant le tribunal, il dit ne pas avoir entendu l'ordre de dispersion. «Est-ce que ce monsieur a des problèmes d'audition ?» demande le juge. «Il y avait de la musique et des lacrymogènes, je n'ai rien vu ni entendu.» Quant aux violences dont on l'accuse, il assure qu'elles sont involontaires : «On formait une chaîne humaine. Quand le policier a voulu m'attraper, les soutiens m'ont tiré en arrière, ce qui m'a fait lever la jambe.» La version est différente du côté de l'avocate de la victime : «Il s'est agrippé au gilet tactique du policier, jusqu'à le déchirer, et lui a donné des coups de pied dans les jambes et les cuisses, sans toutefois le blesser.» Le procureur requiert six mois de prison, dont cinq avec sursis.

Un peu plus tôt, dans une autre salle du tribunal, le parquet s'était affiché bien plus remonté à l'encontre de Léo, 19 ans, venu de Bourges pour manifester dans la capitale dimanche. Le jeune homme, dreadlocks rousses et sweat à capuche noir, vit de petits boulots. Il a souffert de troubles psychiatriques dans sa jeunesse et à un casier vierge. On lui reproche d'avoir jeté une canette de soda sur des CRS. «Un trouble à l'ordre public majeur», tranche la procureure, qui demande six mois de prison, dont quatre avec sursis, et le mandat de dépôt. L'avocat s'emporte : «La loi n'autorise pas à bâcler les procédures. On ne sait même pas si la canette a touché quelqu'un !» Bilan : huit mois avec sursis.

Lire aussi sur Libé.fr, le récit d'une altermondialiste belge qui a passé quarante-huit heures en rétention.