Entre 18 et 20 heures, sur BFM TV, c'était compliqué, surtout pour Ruth Elkrief : «On a du mal à s'approprier cette élection», «on a du mal à commenter ce scrutin». Apolline de Malherbe tranche : «Cette réforme territoriale s'est arrêtée à mi-chemin, les compétences régionales portent surtout sur l'organisation, peu sur les décisions politiques.» Sous-texte : inutile de vous déplacer, alors qu'à côté de son corsage rouge clignote le chiffre de l'abstention : 49 %.
Au siège du parti Les Républicains à Paris, leur envoyé spécial explique en scandant les syllabes que «l'effervescence monte», tandis que sur France 2, le journaliste sur place assure que «l'ambiance est très sobre». I-Télé a lui envoyé un journaliste avec un perfecto de cérémonie, aussi classe que la guirlande «cinéma du dimanche soir» autour du logo Régionales 2015. Personne, sur aucune des deux chaînes d'info, n'évoque le Front national, juste la victoire probable des Républicains et la «bérézina» possible du PS, malgré une «prime attentat» (sic).
A 20 heures, les chiffres parlent. Sur TF1, le journaliste qui épluche les résultats en direct du ministère de l'Intérieur, d'évidence trop chauffé, transpire à grosses gouttes. Sur les plateaux, plusieurs anges passent. Au fond, plus personne ne sait comment contourner les résultats, le cordon de sécurité rhétorique (faire barrage au FN, la coalition des «républicains») craque de partout au vu du rouleau compresseur d'extrême droite. D'ailleurs, Gilbert Collard, sur TF1, trouve qu'on ne le laisse pas tenir le premier rôle qui lui est dû, il menace de se casser : «Si on vous dérange, on s'en va.»
Le duplex avec Marion Maréchal Le Pen ne fonctionne pas, elle n'entend pas les questions. «Le FN, pour le coup, est distancé», dit David Pujadas au vu des résultats de la région Ile-de-France : 18 % pour Wallerand de Saint-Just. Le commentaire des différents intervenants tourne à vide sur les questions du retrait ou pas des candidats pour faire barrage au FN. Pujadas, avec un sens du timing politique inouï, interroge Emmanuelle Cosse sur la stratégie d'EE-LV pour la prochaine élection présidentielle. «Coup de tonnerre d'un monde politique qui devient tripolaire», dit Laurent Delahousse en verve conceptuelle. Stéphane Le Foll, qui est passé de TF1 à France 2 pour à chaque fois casser l'ambiance en refusant de donner la moindre information tactique, reconnaît qu'on est face à «des réalités électorales qui ne sont pas simples du tout». Fine mouche.