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Voter pour lui ?

Christian Estrosi, le grand écart d’un droitier décomplexé

Le cumulard maire de Nice tente de jouer sur une fibre sociale pour l’emporter face au FN, dimanche, en Paca.
Christian Estrosi à Nice, en 2008. (Photo Olivier Monge. MYOP pour Libération)
par Mathilde Frénois, correspondante à Nice
publié le 8 décembre 2015 à 20h06

Le maire LR de Nice joue une partie difficile face Marion Maréchal-Le Pen. Pour tenter de rallier les électeurs de gauche, il met en avant sa fibre sociale.

Qui est-il ? Christian Estrosi a une double carrière, qu'il conduit à deux époques bien distinctes de sa vie. D'abord, il est pilote de Grand Prix de moto. Quatre fois champion de France. Une passion qui lui laisse deux héritages : des études avortées avant le baccalauréat et surtout un surnom, «le motodidacte». C'est à 28 ans que celui qui s'est toujours défini comme «gaulliste social» fait ses premières armes en politique. Un poste de conseiller municipal en 1983 à Nice. Il enchaîne ensuite les mandats locaux : député des Alpes-Maritimes, vice-président du conseil régional Paca, président du conseil général. C'est sous la présidence de Jacques Chirac que sa carrière politique prend un virage national. Il devient successivement ministre délégué à l'Aménagement du territoire, secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-Mer, ministre de l'Industrie. Aujourd'hui, à 60 ans, Estrosi cumule les mandats de maire de sa ville natale, président de la métropole Nice-Côte d'Azur et député des Alpes-Maritimes.

Pourquoi peut-il rebuter à gauche ? Dans la politique de sa ville, Estrosi a deux spécialités : la sécurité et les arrêtés municipaux choc. Arrêté «couvre-feu» à l'encontre de tout mineur de moins de 13 ans en 2009. Arrêté contre la «mendicité agressive» en 2012. La même année, charte des mariages qui oblige les époux à s'unir dans le calme, sans applaudissements ni youyou. Arrêté «anti-bivouac» en 2013… «La sécurité des Niçois a toujours été ma priorité», se défendait-il début novembre. Estrosi a aussi mis le paquet sur la vidéosurveillance. Nice détient le record de France, avec 1 250 caméras, soit une pour 283 habitants. La ville serait aussi championne de France en termes d'effectifs de la police municipale : 390 agents. Lors de son dernier meeting dans son fief niçois, plus de la moitié de son discours portait sur la sécurité. Le candidat LR est pour la déchéance de nationalité, l'incarcération préventive, les portiques de sécurité dans les gares et milite pour que le port de la burqa devienne un délit. «Dans la République, on n'impose pas aux femmes une prison fut-elle de tissu noir, affirme-t-il. La France, c'est le pays du droit des femmes, ce ne sera jamais le pays des talibans.» Une sortie sans surprise. Quelques jours plus tôt, Estrosi il avait fustigé dans un tract «la politique pénale de complaisance et de laxisme» du gouvernement qui en paye «parfois le prix du sang».

Comment peut-il convaincre ? Estrosi n'a pas attendu le second tour des régionales pour tenter de séduire à gauche. Début novembre, il avait réuni un comité de soutien très éclectique, de la droite dure à la gauche traditionnelle. On y retrouve des acteurs, des sportifs, des médecins, des mannequins. Mais surtout certaines personnalités bien choisies pour faire les yeux doux aux électeurs de gauche : le grand recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, l'historien et avocat Serge Klarsfeld, le président du Racing club de Toulon, Mourad Boudjellal, ou encore d'anciens ministres de gouvernements de gauche comme Claude Allègre ou Max Gallo. Estrosi fait ressortir sa fibre sociale. «Il faut regarder la gestion du quotidien», insiste-t-il. A Nice, il reprend les cantines municipales et l'eau en régie. Il met en place les transports à 1 euro. «Si je mène des actions sociales et culturelles, on me traite de maire de gauche. Dans ce cas-là, ça ne me dérange pas.»

«De tout temps, le FN a été un ennemi»

Confronté à Marion Maréchal-Le Pen dimanche, Christian Estrosi (LR) explique comment il compte rallier les électeurs de gauche.

En quoi êtes-vous un homme de droite ?

Je suis issu d’un parcours fait de gaullisme social, d’amour de mon pays, de ma terre, épris de justice. Jusqu’au 13 Novembre, il y avait 62 pages dans mon programme sur lesquelles on ne peut pas contester le fait que ce soit rassembleur : que les trains arrivent à l’heure, qu’on fasse les lycées qui nous manquent, qu’on mette en harmonie formations professionnelles et d’apprentissage avec les offres d’emplois… Et puis il y avait 2 pages destinées au rôle que la région pouvait jouer en matière de sécurité : dans les trains, dans les gares avec les portiques et la vidéosurveillance, dans les lycées avec l’accompagnement des enseignants pour détecter les phénomènes de jihadisme. Jusqu’au 13 Novembre, on disait «oh la la, Estrosi a un programme de droite à cause de ces 2 pages». Depuis, le gouvernement considère que ce sont des choses qu’il faut faire.

Que dire aux électeurs de gauche pour qu’ils votent pour vous ?

Toute ma vie, je n’ai jamais admis que le sectarisme, l’obscurantisme, le révisionnisme, l’exclusion puissent l’emporter. De tout temps, le FN a été pour moi un ennemi dans mes combats politiques. Avec la gauche, nous ne voulons pas voir le FN imposer demain cette discrimination qui consiste à désaccompagner le Planning familial, à ne plus soutenir la création contemporaine. En ce second tour, mon slogan est «la Résistance». Des personnes de gauche et de droite peuvent le reprendre à leur compte.

Ne craignez-vous pas de faire le jeu du FN en faisant l’«UMPS» ?

L’«UMPS» est une invention du FN. Ce n’est pas parce que des électeurs qui ont fait le choix de la gauche au premier tour voteront pour moi que je demande aux formations politiques d’adhérer à la mienne. Nous gardons nos convictions, nos projets. Nous n’avons fait ni fusion ni front républicain. Le PS est opposé au FN. Nous aussi, nous n’en voulons pas dans notre région. Et tout cela ne fait ni l’UMPS ni un front républicain. Nous ne sommes pas un parti unique. Nous restons ce que nous sommes.