«Les immigrés, j'ai rien contre eux, mais ils ont tout, logements, argent, et nous, rien.» Sur le marché de Senonches (Eure-et-Loir), l'une des dernières étapes de la discrète campagne du FN en Centre-Val-de-Loire, la vision du monde est assez binaire : d'un côté, «l'UMPS» qui favorise les étrangers, augmente les impôts pour les «Français de souche» et conduit le pays à la ruine. De l'autre, un FN arrivé en tête au premier tour des régionales (30,49 % des voix), et porteur d'un espoir, celui «d'essayer autre chose».
Crêpes. Certains électeurs ne sont cependant pas certains que cette fois sera la bonne. «Je ne sais pas qui sera la nouvelle équipe élue, mais malheureusement, ce ne sera pas vous», assène un consommateur du bar Le Central. «Je n'en suis pas convaincu !» rétorque Philippe Loiseau, député européen et tête de liste FN aux régionales. Malgré son score de 37,16 % à Senonches, juste derrière la liste de Philippe Vigier, candidat LR-UDI-Modem qui l'a devancé de 4 voix, il joue la prudence. «Une chose est sûre : monsieur Vigier ne sera pas président de région.» Le candidat, agriculteur de profession, enchaîne crêpes, vin chaud et cafés à un rythme qui force l'admiration. «Les gens ne veulent plus de la droite-gauche aux politiques identiques, affirme-t-il. On ne fait pas 30,49 % par hasard.»
Dans le marché, arpenté par une petite dizaine de militants frontistes, les enjeux régionaux intéressent peu. Françoise, partisane FN depuis trente-cinq ans, reconnaît que «beaucoup de gens rencontrés ne connaissent pas le rôle des conseillers et de la présidence de région». Les discussions basculent aussitôt vers le contexte national. Une mère de famille déplore les difficultés de sa fille pour trouver un emploi. «Il faudrait donner la priorité aux Français et ce n'est pas raciste que de dire ça», assure-t-elle. Philippe Loiseau l'écoute et renchérit : «Les migrants, eux, sont hébergés dans des hôtels 4 étoiles, touchent de l'argent de l'Etat et parfois s'en prennent à leur lieu d'hébergement.»
«OAS». Au fil des rencontres et des distributions de tracts, qui se concrétisent le plus souvent par un sourire aimable, voire un clin d'œil complice sur l'air du «c'est bon, je l'ai déjà», les esprits se focalisent sur le «tous pourris». «Les UMPS n'ont même plus le respect d'eux-mêmes !» fustige une retraitée, faisant allusion au retrait des listes PS en Paca et Nord-Pas-de-Calais - Picardie. «Même Sarkozy a dit qu'il n'était pas immoral de voter FN», lui confirme Loiseau. Un peu plus haut, dans l'allée centrale du marché, Jean-François, un retraité de l'édition, refuse le tract qui lui est tendu. «Ils sont vachement dangereux, ces gens-là. Je me souviens de leurs origines et de l'OAS, organisation terroriste qui foutait des bombes contre des Français, leurs propres compatriotes.» Mais pour l'équipe de militants pressée par le directeur de campagne, pas question de s'attarder. Il reste des convaincus à conforter.