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Libération
Reportage

Le boom des procurations

Régionales 2015dossier
Un électeur sur deux ne s’est pas déplacé pour le premier tour. Après l’annonce des résultats, les commissariats ont fait face à un afflux de requêtes.
L'inscription sur les listes électorales doit être faite avant le 31 décembre. (Photo Thierry Zoccolan. AFP)
publié le 11 décembre 2015 à 19h06

Dimanche dernier, 22,6 millions de Français ont voté au premier tour des élections régionales. C’est tout de même 1,5 million de plus qu’au premier tour du scrutin précédent, en 2010. Mais cela n’a pas empêché l’abstention d’atteindre 50,09 %, ni le Front national d’arriver en tête dans une région métropolitaine sur deux. Deux raisons qui ont poussé bon nombre d’électeurs s’étant abstenus dimanche dernier à faire une procuration pour le second tour.

«J'ai l'habitude de voter, mais cette fois je n'avais pas pris le temps de faire une procuration, et puis avec les attentats, je n'avais pas très envie de mettre les pieds dans un poste de police», raconte Adrien, 25 ans, en sortant vendredi du commissariat du XIIe arrondissement de Paris, son récépissé à la main. A côté de lui, Emma, 23 ans, admet que «si le FN n'avait pas été aussi haut au premier tour», elle n'aurait sans doute pas pris le temps d'effectuer la démarche. «Même s'il n'y a pas trop de risques que le Front gagne dans les Pays-de-la-Loire, il a vraiment fait un gros score chez moi, dans la Sarthe…» Mathieu, Parisien de 38 ans, n'avait pas prévu non plus de faire une procuration pour ce week-end, qu'il passera dans le sud-est de la France. Mais dès mardi, il s'est rendu au commissariat de son quartier. «C'est la troisième fois en quinze ans que je fais une procuration, et je n'avais jamais vu ça. J'ai fait la queue dehors, sous la pluie, pendant une heure et quart. Tout le monde râlait, mais personne n'a fait demi-tour.»

Le constat, relayé par la presse régionale, se fait un peu partout, de Lille à Toulouse en passant par Narbonne, Arras ou Belfort. Même si toutes les catégories d’âge sont touchées, les jeunes, très présents parmi les abstentionnistes dimanche dernier, semblent plus particulièrement se mobiliser. C’est notamment le cas dans les villes étudiantes, où les jeunes des alentours, attirés par l’université ou une quelconque école, ne retournent pas toujours voter dans leur patelin d’origine, où leur nom figure toujours sur les listes électorales…

Au commissariat central de Strasbourg par exemple, on ne cache pas une explosion du nombre de requêtes : «Les appels que l'on a reçus cette semaine portaient en majorité sur ce sujet.» Et les chiffres enregistrés sont édifiants : entre le 4 juin et le 6 décembre, veille du premier tour, c'est-à-dire en six mois, ce commissariat avait enregistré 1 545 procurations pour les élections régionales. De lundi à jeudi midi, en à peine trois jours et demi, il en avait validé 1 193 de plus.

Suffisant pour faire brutalement reculer l'abstention et le Front national au second tour dimanche ? En tout cas, même les terres moins perméables au vote frontiste semblent concernées. «Ma région n'est pas en "danger immédiat", mais tout vote allant ailleurs qu'au FN est bon à prendre, estime Simon, Rennais de 27 ans exilé en banlieue parisienne. Connaissant la Bretagne, je n'étais pas du tout inquiet avant le premier tour, et les résultats m'ont d'ailleurs donné raison. Mais 18 % pour le Front national, c'est déjà trop.»

Vendredi, les queues s'étaient réduites : les procurations devant encore voyager par la poste, «à l'ancienne», il était sans doute déjà trop tard pour quiconque espérait voir sa voix représentée à l'autre bout du pays. Pourtant, certains, comme Emma, insistaient encore. «On nous a bien dit que c'était probablement en vain, mais au moins, on a bonne conscience.»