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Libération
Reportage

A Marseille, «voter Estrosi, y en a à qui ça fait trop mal»

En Paca, le PS a appelé à faire barrage au FN en votant LR. De la mobilisation ou pas des électeurs de gauche dépendra l'issue du scrutin.
Patrick Mennucci, député PS, a voté Estrosi (LR) ce matin à Marseille. (Photo Marianne Wasowska pour Libération)
par Stéphanie Harounyan, à Marseille
publié le 13 décembre 2015 à 13h52

Patrick Mennucci attrape le bulletin «Estrosi» et ne prend pas la peine de fermer le rideau de l'isoloir. Depuis une semaine, le député PS de Marseille l'a annoncé clairement: la seule chose à faire pour ce second tour, c'est barrer la route au Front national en Paca en donnant sa voix à la liste conduite par le maire Les Républicains de Nice. «On fait ce qu'il faut», répète le socialiste, en serrant la main de Solange Biaggi, élue LR au département, qui tient le bureau installé dans la chambre de commerce, dans le 1er arrondissement de Marseille.

La circonscription de Patrick Mennucci a largement voté en faveur de la liste PS de Christophe Castaner au premier tour. Ce dimanche matin, le député veut croire que le mot d'ordre du «barrage» républicain sera entendu. «D'ailleurs, on me dit que beaucoup de gens qui n'avaient pas voté au premier tour sont déjà venus voter», note-t-il. Devant un bureau voisin, il croise un électeur de gauche, plus sceptique. «J'ai un paquet d'amis qui ne vont pas venir voter, confie-t-il. Voter Estrosi, y en a à qui ça fait trop mal.» «Il faut que les réticents comprennent qu'il y a un intérêt, relance Patrick Mennucci. Christian Estrosi nous a répondu sur la culture, les transports, la formation… Il va devoir discuter avec nous, sinon il va être seul face au Front.»

A midi, la région Paca était la deuxième où on votait le plus ce dimanche matin, avec 23,10% de participation (et même 27,36% dans le Var), contre 19,59% à l’échelle nationale. Et c’est bien de la capacité des électeurs de gauche à se mobiliser que dépend l’issue du scrutin. Deuxième à l’issue du premier tour avec 26,47% des voix, Christian Estrosi doit les rassurer pour combler son retard face à Marion Maréchal-Le Pen, arrivée largement en tête avec 40,55% des suffrages. Le dernier sondage BVA publié vendredi laisse penser que les arguments du front républicain ont convaincu : la liste Estrosi est donnée gagnante avec 51% des intentions de vote contre 49% pour le FN. Toujours selon BVA, 61% des électeurs de Castaner au premier tour s’apprêteraient à voter LR pour le second.

Configuration illisible

Pour compléter cet apport, Christian Estrosi peut aussi s'appuyer sur les voix de l'Alliance Ecologiste indépendante (4,05% au premier tour), sa tête de liste ayant appelé à voter pour lui. Il aura plus de mal à faire passer la pilule chez les partisans du tandem Sophie Camard (EE-LV)-Jean-Marc Coppola (FG), arrivé troisième du scrutin dimanche avec 6,54%. Jean-Marc Coppola lui-même s'est déclaré «dubitatif» quant à la capacité de Christian Estrosi d'incarner «la résistance nécessaire face à l'extrême droite». Pour autant, lui aussi se résout au vote anti-FN: «Sans faire de courbettes à une droite rétrograde, en attendant quelque retour, j'en appelle dimanche prochain à̀ ce que l'extrême droite soit battue.»

Reste le plus grand réservoir de voix, celui des abstentionnistes. Au premier tour, 48,06% des inscrits ne se sont pas déplacés. Pour ce second tour, les réactions des électeurs sont très difficiles à anticiper. D’un côté, les mobilisés de dernière minute contre le FN additionnés aux extrêmes de la droite séduits par une potentielle victoire du Front pourraient améliorer la participation. Mais de l’autre, les réfractaires au front républicain s’ajoutant aux abstentionnistes chroniques pourraient faire chuter le score. Dans une configuration si illisible, le choix des électeurs de la liste Debout la France (1,95% au premier tour) et de celle de Jacques Bompard (1,12%), laissés sans consigne de vote, pourrait s’avérer déterminant. Il reste encore quelques heures aux retardataires pour faire entendre leur voix: les bureaux de vote ferment à 18 heures dans la plupart des bureaux de la région, 19 heures dans certaines grandes villes et 20 heures à Marseille.