Il avait promis d’emménager à Metz s’il gagnait la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (Acal). Et bien, il pourra rester à Paris. Le vice-président du Front national, Florian Philippot, surnommé «le candidat TGV», a été battu par Philippe Richert, président sortant d’Alsace et tête de liste LR-UDI-Modem. Les sondages prédisaient une victoire de justesse, le frontiste disposant d’une avance de dix points sur le candidat LR-UDI-Modem au premier tour. Elle a finalement été nette : Richert l’emporterait avec environ 48 % des suffrages, tandis que Philippot terminerait à 36,3% (estimations Ipsos). Jean-Pierre Masseret, qui s’était maintenu contre l’avis de la direction nationale du PS a, lui, rassemblé quelque 15,8 % des suffrages, soit un peu moins qu’au premier tour (16,11 %).
Déjà, lors de la vague rose de 2010, Richert avait été le seul candidat de droite à résister ; dimanche, les électeurs se sont massivement mobilisés en sa faveur pour faire barrage à la vague bleu marine. En Acal, on a en effet voté plus que partout ailleurs : la participation avait progressé de douze points entre les deux tours, passant de 48 % à 60 %. Quant à Masseret, qui s'attendait à «en prendre plein la gueule» en cas de victoire du FN, il peut être soulagé. Il revendiquait l'affrontement avec le FN et non l'évitement, refusant de se désister quand 71 de ses colistiers tentaient de faire annuler la liste et quand la majorité des élus de gauche à l'Est faisaient pression sur lui. Il s'est maintenu coûte que coûte dans cette triangulaire à haut risque. Valls et Sarkozy étaient même à l'unisson dans leur appel à voter Richert. Les présidents d'université, grands patrons et parlementaires n'ont pas ménagé leurs efforts. Fort de cette agitation autour de lui, l'Alsacien a incarné le rassemblement, mais sans faire de cadeau à la gauche. Il a refusé tous les appels à l'ouverture de sa liste ou de son programme. Inflexible, il a simplement promis l'écoute et le consensus, et de travailler avec tous, comme avant.
A gauche, on a attendu du camp d’en face un signal fort qui n’est jamais venu. A gauche, on a été séduit par le signal fort de Masseret auquel on ne pouvait raisonnablement pas succomber. Le président sortant de Lorraine rêvait encore d’une victoire, espérant que la figure du rebelle saurait réenchanter une partie de l’électorat qui a boudé les urnes au premier tour, exaspérée par la stratégie aussi éculée qu’inefficace du Front républicain. Le cœur des électeurs de gauche, qui ont assisté au psychodrame socialiste, a balancé durant une semaine jusqu’à la nausée entre Masseret le courageux et Masseret l’inconscient. Ce fut douloureux de détourner les yeux du bulletin rose pour lui préférer le bulletin bleu ; se résigner quand Masseret s’offrait le luxe de résister. Le barrage a tenu cette fois encore. Masseret ne voulait pas laisser le conseil régional sans hommes ni femmes de gauche. Ils y siégeront, promettant à travers leur entêtement de ne pas faire de la figuration. Les électeurs socialistes d’hier et d’aujourd’hui sauront y être attentifs. Des gens de gauche malmenés qui ont d’ores et déjà prévu de se réunir pour penser l’après.