François Bayrou (Modem) : «Une modification des règles électorales»
François Bayrou (photo AFP) est maire de Pau et président du Modem : «Nous devons changer le climat politique. Il faut en finir avec l’invective, les insultes, les caricatures qui, par ailleurs, ne sont pas toujours payantes. Quand dans l’entre-deux-tours des régionales, Claude Bartolone accuse Valérie Pécresse d’être une "défenseure de la race blanche", cela lui coûte sans doute plus de suffrages que cela ne lui en rapporte. Surtout, c’est une manière de disqualifier le débat qu’il faut proscrire. Cela réclame une prise de conscience des responsables politiques. En second lieu, il faut donner plus de place à la diversité des opinions et des représentations. Il n’y a aucune justification à ce que les minorités ne soient pas représentées dans les lieux de la démocratie. J’ai toujours combattu le FN mais je trouve injuste qu’il soit si peu représenté. Il en va de même pour l’extrême gauche ou le centre. L’hégémonie des partis dominants a un effet pervers : on ne peut construire en France des coalitions pour soutenir les réformes utiles au pays. Une modification des règles électorales serait donc nécessaire. Face aux défis et aux drames que nous connaissons en matière d’emploi, d’économie ou d’éducation, les forces démocratiques devraient pouvoir, en amont des périodes électorales, s’accorder pour soutenir les changements nécessaires au pays. C’est une autre manière de faire de la politique qui la rend plus estimable.»
Recueilli par Nathalie Raulin
Emmanuelle Cosse (EE-LV) : «Hollande veut changer la Constitution ? Allons-y»
Emmanuelle Cosse (photo AFP) est secrétaire nationale d’EE-LV : «Comme aux départementales, le parti arrivé en tête au premier tour est un parti anti-système et populiste. Cela veut dire qu’il y a un problème avec le système en place et qu’il est largement rejeté par la population. Il faut donc s’attaquer aux causes profondes de ce rejet et pas simplement faire un peu plus de gauche ou un peu plus de droite. On est dans un état d’urgence démocratique. Ma conviction est qu’on n’obtiendra pas de nouvelles victoires sur le plan social ou environnemental tant qu’on n’aura pas d’abord résolu la crise démocratique. D’où vient-elle ? D’un grand écart toujours plus fort entre les immenses attentes que l’on place dans une poignée d’individus qui concentrent tous les pouvoirs et, dans le même temps, d’un affaiblissement du politique vis-à-vis du monde des affaires et de l’argent. A force, les gens ne croient plus qu’on peut changer leur vie, mais ils ont montré ce dimanche qu’ils étaient en attente d’un retour du politique. La première chose à faire est donc de moderniser nos institutions. Le Président veut réviser la Constitution. Allons-y ! Elisons un Parlement à l’image des Français, proposons le vote des étrangers, luttons contre les conflits d’intérêts et mettons en œuvre une démocratie du dialogue et de la coalition. Une démocratie renouvelée et une politique plus écologique qui pense le long terme, voilà deux ingrédients pour redonner confiance dans l’avenir.»
Recueilli par Rachid Laïreche.
Frédéric Lefebvre (LR) : «Bâtir une nouvelle identité politique»
Frédéric Lefebvre (photo Reuters) est député LR des Français de l’étranger : «Nous n’avons plus le choix. Si on veut stopper la progression du FN, nous sommes dans l’obligation de changer notre manière de faire de la politique. Il faut bâtir une nouvelle identité politique française. Le vieux logiciel droite-gauche est dépassé. Ceux qui pensent, au vu des résultats des régionales, qu’il faut mettre la barre à droite se trompent. Le pays n’est pas de plus en plus à droite, mais de plus en plus radicalisé. Ce n’est pas la même chose. Les gens sont en colère, car ils perçoivent que les partis s’occupent davantage de leurs propres affaires que de l’intérêt des Français. Il y a des textes de loi qui devraient être votés à de très larges majorités puisqu’ils vont dans le sens de l’intérêt général. Il faut arrêter de créer des différences artificielles car les gens se rendent parfaitement compte que ces clivages ne reposent sur rien. Je citerai en exemple la loi Macron : j’ai été l’un des rares députés de droite à la voter. Ou encore la loi sur «les territoires zéro chômeur de longue durée» inspirée d’expérimentations intéressantes menées localement par ATD-Quart Monde. Quand je suis arrivé à l’Assemblée, la position de mon groupe était de s’abstenir sur ce texte. Je suis intervenu pour dire que je le voterai. Finalement, tout le groupe l’a fait. Si les Français aiment la politique locale, c’est qu’elle est moins clivée».
Recueilli par Tonino Serafini
Jérôme Guedj (PS) : «Agir contre la précarité»
Jérôme Guedj (photo AFP) est conseiller départemental de l’Essonne : «Lundi matin, juste après les résultats des élections régionales, le gouvernement a annoncé que le Smic ne serait pas augmenté alors que c’était la première chose à faire pour redonner du pouvoir d’achat aux gens dans le besoin, aux ouvriers. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, il faut agir contre la précarité et relancer l’activité. Il ne faut pas être sourd, comme après chaque élection intermédiaire, et nous endormir avec des discours sur la République. La République ne se réduit pas aux seules questions d’identité ou d’immigration. Elle concerne aussi les questions sociales. On doit revoir le calendrier parlementaire. La réforme du code du travail est-elle prioritaire ? Je ne crois pas. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les zones rurales, les habitants ont le sentiment d’être abandonnés par le service public. On pourrait faire des choses simples et peu coûteuses, comme ouvrir les bibliothèques le dimanche ou proposer des petits déjeuners gratuits à l’école. Des petites choses qui nous rapprochent de la population et du terrain. C’est beaucoup plus simple et plus important que d’ouvrir les magasins le dimanche. Mais il y a, au niveau de l’administration, une frilosité au changement.»
Recueilli par Rachid Laïrèche
Raquel Garrido (PG) «Prendre en compte le vote blanc»
Raquel Garrido (photo AFP) est auteure du
Guide citoyen de la VIe République
: «Il faut changer les choses de manière radicale. C’est-à-dire, prendre en compte le vote blanc, mettre en place des seuils de représentativité et, vu que les hommes politiques ne respectent pas leurs programmes, avoir le droit de révoquer les élus entre les élections. On ne peut plus continuer de cette manière. Aujourd’hui, à gauche, les partis se regardent le nombril. Le PS demande au Front de gauche et à EE-LV du respect. Et vice-versa. Il faut sortir des alliances entre partis : ça n’intéresse personne. Il faut faire preuve d’audace, de fraîcheur et de loyauté, et peut-être que nous aurons une chance de gagner la bataille contre l’extrême droite.»
Recueilli par Rachid Laïrèche
Franck Riester (LR) «Les décisions doivent être applicables plus rapidement»
Franck Riester (photo AFP) est député de Seine-et-Marne, maire de Coulommiers : «J’avais pris une claque aux départementales, j’en ai pris une deuxième aux régionales. Faute d’un profond renouvellement de nos pratiques, Marine Le Pen incarnera le renouveau au second tour de la présidentielle face à François Hollande. Il nous faut deux choses : un nouveau visage, car en Italie, au Canada, en Angleterre ou en Grèce, les alternances sont le fait de nouvelles têtes ou de populistes ; et des réformes institutionnelles : réduction du nombre de parlementaires, organisation du gouvernement… Surtout, on ne peut plus mettre une année à voter un texte comme la loi Macron. Les décisions doivent être applicables plus rapidement, et en même temps leur élaboration doit davantage impliquer les citoyens. Enfin, il faut absolument rendre régulièrement des comptes à ces derniers.»
Recueilli par Dominique Albertini