Au moins, elle bouge. Voilà Cécile Duflot qui «tend la main» à François Hollande pour une «coalition de transformation», dans une interview au Monde daté de mercredi. Curieuse initiative post-électorale quand l'exécutif annonce qu'il ne changera pas de cap économique et social. Une orientation pro-entreprise que l'ex-ministre écologiste de 40 ans appelle à modifier depuis son départ du gouvernement, en avril 2014. Offre de service sérieuse pour revenir au pouvoir ou manœuvre traditionnelle pour sortir du corner politique dans laquelle elle semblait coincée ?
Pourquoi bouge-t-elle maintenant ?
Cécile Duflot est la première personnalité de gauche à prendre une initiative post-régionales. Elle en avait besoin après avoir cru que le modèle «vert-rouge-citoyens», victorieux aux municipales de 2014 à Grenoble, pouvait être transposable. Las, les départementales et régionales de 2015 ont apporté une réponse cinglante : ce type d'alliance n'est pas, en l'état, en mesure de dépasser le PS. Et avec un parti morcelé et des alliés potentiels soit divisés (le Front de gauche), soit toujours arrimés au Parti socialiste (l'aile gauche du PS), ses chances de compter à la prochaine présidentielle sont très faibles. Duflot, du haut de ses petits 3 % d'intentions de vote dans les sondages, allait très vite prendre une pression monumentale de ses voisins socialistes, jugeant «irresponsable» sa possible candidature alors que le Front national menace. Pour ne pas subir, mieux valait donc agir. Et tant pis si, vu de loin, ses allers-retours entre Mélenchon et Hollande la mettent dans la position de la girouette politique.
Quel est, alors, son véritable objectif ?
A gauche, mieux vaut toujours être le premier à «tendre la main». Cela évite, ensuite, les mauvais procès en division… Un membre de l'équipe Duflot décrypte : «François Hollande propose une gauche d'accompagnement, avec l'idée de conserver le système et de se rapprocher du centre. En gros, il ne change rien. Cécile lui propose une gauche de transformation, c'est-à-dire changer la société en se tournant vers sa gauche et les écologistes.» Mais l'ancienne ministre du Logement ne se fait pas d'illusions. Son entourage non plus : «François Hollande refusera sûrement la main tendue, surtout avec Valls comme Premier ministre. De notre côté, on sera prêts à bouger s'ils décident de faire un mouvement.»
Et si Hollande l'envoie sur les roses, Duflot pourra ainsi justifier une candidature présidentielle. Ce n'est pas un scoop, elle prépare depuis plusieurs mois, avec une petite équipe, l'élection de 2017, «au cas où» la porte s'ouvre. Du coup, elle se positionne. Dans son interview au Monde, elle multiplie les appels du pied. Aux communistes, d'abord : «Que [François Hollande] revienne à l'esprit de 2012 et rassemble enfin écologistes et communistes désireux de rejoindre un bloc majoritaire de transformation.» Sans rien demander, Cécile Duflot met les communistes dans son panier et leur tend - aussi - la main pour mieux leur offrir une alternative à Jean-Luc Mélenchon : «Cécile aime beaucoup Pierre Laurent et elle a besoin des communistes pour construire une gauche de majorité, pas d'opposition», argumente un proche. Autre cible de Duflot : la génération Y. Dans cette interview, elle plaide pour «un plan d'urgence pour la jeunesse». «30 % des jeunes de 18 à 25 ans ont choisi l'extrême droite, sans compter tous ceux qui n'ont pas voté», rappelle-t-elle. Ces derniers mois, lors de ses prises de parole ou dans son livre, elle glissait toujours un mot en direction de la «jeunesse oubliée» qui s'envole au FN. Ce samedi, elle s'adressera aux Jeunes Socialistes réunis en congrès.
Que met-elle sur la table ?
Pour fournir un «bloc de transformation» face à «la tentation libérale autoritaire» - qui concerne, pour Duflot, la ligne de Manuel Valls -, la besace de l'écolo est chargée. D'abord, la députée refuse tout état d'urgence permanent et tape sur la déchéance de nationalité, «une revendication historique de l'extrême droite».
Question écologie, Duflot demande que le dérèglement climatique soit inscrit dans la Constitution et l'arrêt de grands projets comme celui de l'aéroport de Notre-Dames-des-Landes. Au fond de son sac, la jeunesse, encore, avec la création de «250 000 emplois-jeunes», «un contrat jeunes entrepreneurs» et un bouclier territorial pour «le maintien des services publics». Enfin, Cécile Duflot et les écologistes demandent - toujours - à Hollande de mettre en place la proportionnelle aux législatives pour répondre à «la crise démocratique».
Que va faire Hollande ?
Si la poussée de l'extrême droite ne conduit pas l'exécutif à modifier sa ligne politique, ce n'est pas une interview d'une députée écologiste, même candidate putative à la présidentielle, qui y parviendra. Depuis les attentats, «le Président incarne la force et l'autorité. Négocier avec un faible qui pèse 3 %, ce serait suicidaire», évacue un proche de Hollande.
Même s'il continue à échanger avec Duflot par SMS, le chef de l'Etat va donc snober l'offre de son ancienne ministre du Logement. «Le Président a toujours dit que sa porte n'était pas fermée mais que tout rapprochement devait se faire sur notre ligne», insiste le même dirigeant socialiste. L'éparpillement des candidatures à gauche pour 2017, synonyme d'élimination quasi certaine au premier tour, fait cependant beaucoup réfléchir dans la majorité. Pour une ministre, «il faudrait un socialisme de l'offre compatible avec les Verts». Charge à l'Elysée de l'inventer.