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Libération
L'après-régionales

Polémique sur Bartolone : pourquoi gauche et droite abusent

Les députés de droite ont demandé que le président de l'Assemblée remette son fauteuil en jeu, pointant notamment sa sortie sur la «race blanche». Les socialistes n'ont pas lésiné sur l'hommage à leur camarade battu dimanche. Fausse confirmation et faux procès.
Claude Bartolone, à Paris, au soir du second tour des régionales. (Photo Loïc Venance.AFP)
publié le 15 décembre 2015 à 20h12

«Il est où ? Il est où ?» A l'affût, la droite avait ouvert, ce mardi, la chasse «au Bartolone», le guettant lorsqu'il monterait à nouveau au perchoir ce mardi à 15 heures. Mais au surlendemain de sa défaite au second tour des régionales, ce n'est pas le candidat malheureux du PS en Ile-de-France qui a animé la séance de questions au gouvernement, mais la vice-présidente de l'Assemblée, Laurence Dumont. Quelques heures plus tôt, le président avait pourtant été confirmé dans ses fonctions par son groupe. En fin de journée, son entourage a fait savoir que Claude Bartolone s'absenterait une dizaine de jours pour raisons de santé – sans être hospitalisé –, après avoir passé des examens cardiologiques.

Les députés Les Républicains n’en démordent pas, appelant à sa démission pour sa sortie sur «la race blanche». Comme si la campagne n'était pas finie. Les socialistes, eux, en font des tonnes, soutenant leur champion. Comme s’il n’avait pas été battu dimanche par Valérie Pécresse. Dans cette affaire, il y a de l’excès des deux côtés.

 A gauche, une remise en jeu simulée

Dès le matin lors de la conférence des présidents – qui fixe l'ordre du jour de l'Assemblée –, le patron du groupe LR a attaqué. Christian Jacob a demandé que Claude Bartolone se soumette de nouveau à l'ensemble des députés, comme il l'avait fait en 2012 lors de sa première élection. La droite ne le conteste pas tant parce qu'il a perdu l'Ile-de-France que pour sa sortie en toute fin de campagne sur sa rivale LR qu'il accusait de défendre de défendre «Versailles, Neuilly et la race blanche». Et de toute façon, Bartolone s'était engagé à se faire reconfirmer à la présidence. Il l'a redit en reconnaissant sa défaite : «Je remettrai mon mandat de président de l'Assemblée à la disposition de Bruno Le Roux, président du groupe socialiste. Il déterminera si les députés socialistes, dont ma légitimité est issue, souhaitent ou non que je poursuive la responsabilité qu'ils m'ont confiée.» Pas question d'un vote dans l'hémicycle. Cela se joue entre socialistes. Jacob y a vu une «opération de communication» et un «petit arrangement depuis des semaines entre députés de la Seine-Saint-Denis» (Le Roux et Bartolone, donc).

La relégitimation de Bartolone par ses camarades a en effet été une formalité. Avant même la réunion de groupe, mardi matin, le patron des députés PS a annoncé qu'il rendrait hommage au bilan de Bartolone à la tête de l'Assemblée et qu'il proposerait aux élus de lui «redonner» leur «confiance»… Et ce par acclamation, sauf si quelqu'un réclame un vote. D'autres responsables du groupe demandent même que tout le monde se lève quand Bartolone entre dans la salle. En effet, l'intéressé a droit à sa standing ovation, des applaudissements nourris et même à un concours de génuflexion. Philippe Martin assure dans l'hémicycle «combien c'est une chance pour l'Assemblée d'avoir un grand président», un autre vante «sa belle campagne» ou encore son «courage», un autre estime, optimiste, qu'il a réalisé un meilleur score que ce que lui prédisaient les sondages. Que s'est-il passé dimanche déjà ?

A droite, un faux procès

D’abord, rien n’oblige un candidat battu aux élections locales à remettre en jeu son mandat de parlementaire ou de président, de groupe comme de l’Assemblée. Celui-ci est élu pour toute la législature. Que la pression s’exerce sur les gagnants qui cumuleraient les mandats, mais pour les perdants… Ce serait une double peine.

Par ailleurs, que Bartolone remette en jeu son fauteuil, devant ses collègues PS ou l'ensemble de l'hémicycle, n'aurait pas changé grand-chose. Même s'il a perdu la majorité absolue, le groupe PS en conserve une relative. Et son candidat au perchoir aurait automatiquement été (ré)élu. On imagine mal une alliance entre la droite, le centre et les autres groupes de gauche susceptibles de se ranger derrière le même candidat pour faire chuter Bartolone. Convoquer ce vote aurait aussi fleuré la mascarade, finalement. Enfin, au sein même du PS, aucun prétendant ne disputait vraiment sa place au président actuel. Certains s'étaient déclarés à demi-mot ou n'avaient pas fait taire les rumeurs. Comme Jean-Marc Ayrault, qui avait seulement dit qu'il s'y verrait bien. Bartolone avait immédiatement appelé au «calme». Se distribuer les postes avant même que le scrutin ait lieu aurait été, pour le coup, encore plus mal vu.