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Libération
Interview

Edouard Philippe : «Les gens veulent qu’on se mette d’accord pour avancer»

Le député LR et maire du Havre, proche de Juppé, pense que des rapprochements droite-gauche pourraient avoir lieu «sur des logiques de projets».
Edouard Philippe, à l'Assemblée, le 9 septembre. (Photo Julien Pebrel. Myop)
publié le 17 décembre 2015 à 19h56

Le député et maire LR du Havre, Edouard Philippe, est l’un des principaux lieutenants d’Alain Juppé.

Le président de la grande région Nord, Xavier Bertrand, tend la main à la gauche. «Attendons qu’il dessoûle», s’est moqué Nicolas Sarkozy…

Xavier Bertrand a été extrêmement sobre et digne. Je crois que cette dignité devrait en inspirer beaucoup. Il a analysé lucidement les conditions très particulières de sa victoire. Il en tire les conséquences. J’ai du mal à comprendre comment on pourrait le lui reprocher.

Contre «l’impuissance politique», Jean-Pierre Raffarin propose de «travailler» avec le gouvernement. Est-ce une bonne idée ?

Je ne sais pas exactement ce qu’il a en tête ni avec qui il discute. Il est certain qu’il y a chez Raffarin une conscience aiguë de la gravité de la situation et qu’il faut essayer de trouver des réponses nouvelles. Je peux le comprendre.

Si gauche et droite s’entendent, cela fait monter le FN, affirment plusieurs responsables politiques. Est-ce bien sûr ?

Cela repose sur une analyse approximative. Il est bien plus dangereux de voir la gauche puis la droite se succéder sans apporter de solutions. C’est cette impuissance répétée, c’est l’échec, c’est la déception qui font monter le FN. Et c’est la réussite qui le fera reculer. Les gens veulent que ça avance. Voyez ce qui se passe dans les mairies où l’opposition gauche-droite est beaucoup moins forte et où de nombreuses délibérations sont approuvées à l’unanimité. Cela ne profite pas au FN, bien au contraire.

Emmanuel Macron est manifestement bien plus proche de vous que de Benoît Hamon. Et vous plus proche de Macron que d’un Laurent Wauquiez. N’est-il pas temps de recomposer ?

Depuis le début de la Ve République, il y a toujours eu des proximités sur certains sujets entre droite et gauche. Pour autant, je constate que contrairement à moi, Emmanuel Macron approuve la réforme de la santé de Marisol Touraine. Si Macron a une bonne idée, je ne m'interdis pas de le dire. Mais cela ne fait pas de moi un homme de gauche.

68 % des Français souhaitent un rapprochement droite-gauche. Cela ne vous donne pas l’obligation de bouger ?

Ce chiffre ne me surprend pas. C’est ce que je vois en tant que maire dans ma commune. Les gens veulent qu’on se mette d’accord pour avancer. Mais la recomposition ne peut pas se faire à la faveur d’un sondage. Elle ne peut intervenir qu’à l’occasion de l’élection d’un nouveau président et d’une nouvelle majorité. En 2012, François Hollande n’a pas du tout été élu pour ça. Pour la droite et le centre, les choses sont simples. C’est la primaire qui nous permettra de trancher sur la ligne. Pour la gauche, c’est plus compliqué ; il y a un débat très fort en son sein, mais il est étouffé par la nécessité majoritaire et la solidarité gouvernementale.

Supposons qu’en 2017, Juppé soit élu président comme Chirac en 2002, contre le FN à la faveur d’un front républicain. Quelle conséquence en tire-t-il ?

Nous ne sommes pas en 2017. Quand je veux faire de la politique-fiction, j’écris des romans… Ce qui est certain, c’est que la recomposition dont vous me parlez ne peut intervenir que sur des logiques de projets et que si les électeurs nous en donnent mandat. Il faudrait un accord sur un programme de gouvernement. Ce qui amène à se poser la question du mode de scrutin aux législatives.

Etes-vous, comme les centristes, favorable à l’introduction d’une dose de proportionnelle ?

Je comprends ses avantages mais je vois aussi ses inconvénients. Et je redoute bien plus les seconds que je ne souhaite les premiers. Avec un système qui interdirait le cumul tout en imposant la proportionnelle, on donnerait un pouvoir démesuré aux partis politiques. Ce serait la perte du lien entre l’élu et le terrain. Le gaulliste que je suis n’y est pas favorable.