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Libération

Le «pacte républicain» réjouit les patrons et consterne les syndicats

Sortir du clivage partisan pour faire avancer les réformes est impératif pour les chefs d’entreprise et vain pour les représentants des salariés.
publié le 17 décembre 2015 à 19h56

Une «union nationale» des républicains de gauche et de droite pour permettre une accélération des réformes ? Dit comme ça, l'idée d'une recomposition politique autour du centre a tout pour agacer les syndicats. Et plaire au patronat français. Lequel dénonce depuis des lustres les postures «idéologiques» qui, en France, freinent l'assouplissement des règles sociales ou fiscales réclamées par les entreprises.

Consensus. «Le débat est hyperpolarisé, confie un grand patron, membre de la très influente Association des entreprises privées. En Allemagne, le système des coalitions permet de réformer plus efficacement.» Fort de ce constat, le dirigeant a répondu à l'invitation de l'ancien ministre des Affaires étrangères de Jospin, Hubert Védrine, qui, dans le plus grand secret, réunit depuis plusieurs mois de manière informelle quelques dizaines d'experts et d'élus, d'obédiences politiques différentes. Des brainstormings transpartisans pour dégager en amont du débat parlementaire des consensus sur des réformes (dont l'emploi des jeunes), où l'affrontement entre centre, gauche, et centre droit, est jugé factice. «Si les politiques ne règlent pas d'urgence ce problème, on va au désastre», précise le grand patron. Analyse que partage le Medef.

Intervenant mercredi sur Europe 1, son président Pierre Gattaz a applaudi le «pacte républicain contre le chômage» proposé par Raffarin et soutenu par Valls. «Il faut absolument recréer de l'emploi et il faut le faire de façon transpartisane», a-t-il dit, invitant à la mise en place de politiques favorables à «la compétitivité, l'agileté et la confiance» des entreprises. Avant le premier tour des régionales, Gattaz avait dit à ses adhérents à Chalon-sur-Saône : «La folie française, c'est que pour des raisons politiques, dogmatiques, doctrinaires, on ne traite pas les problèmes des entreprises. Il faut sortir du clivage droite-gauche.» Pour Gattaz, cependant, l'histoire était déjà en marche : «Nous travaillons avec ce gouvernement et plutôt bien», avait-il conclu comme en clin d'œil au ministre de l'Economie Emmanuel Macron, à propos duquel, en privé, il ne tarit pas d'éloges.

Risque. Côté syndicat, en revanche, le pacte républicain proposé par l'ancien Premier ministre fait, au mieux, sourire. «Effet d'annonce», «coup de com», «tarte à la crème», «stratégie politicienne» : les représentants des salariés peinent à y voir un début de solution. «On n'a pas attendu Raffarin pour discuter avec le gouvernement et les partenaires sociaux», tacle Stéphane Lardy, de FO. Mais plus que la méthode, c'est le contenu du pacte qui hérisse les centrales. D'autant que les «mesures simples» mises sur la table par Raffarin visent d'abord à «redonner la confiance aux entreprises». Un discours que les syndicats ne supportent plus. «Il faut arrêter de sortir les vieilles recettes inefficaces et se poser d'autres questions, comme celle de la répartition du temps de travail», pointe Franck Mikula, de la CGC. «Ce pacte ne changera rien pour l'emploi, puisque les politiques depuis l'arrivée de la gauche sont les mêmes qu'avant», ajoute Eric Aubin, de la CGT. Mais il y voit aussi un risque collatéral : «qu'il brouille davantage le message entre la droite et la gauche, et pousse encore plus vers l'extrême droite.»