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Libération
Cadeau empoisonné

A gauche, la surprise du chef passe mal

Tandis qu’au PS on voit mal comment défendre le soudain revirement de Hollande, la gauche de la gauche s’étrangle.
Benoit Hamon le 9 décembre 205 à Créteil (Photo LOIC VENANCE. AFP)
publié le 23 décembre 2015 à 20h11

Un cadeau empoisonné. Quelques heures avant Noël, la décision de François Hollande d'inscrire l'extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français reconnus coupables de faits de terrorisme dans le «projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation» a pris de court la gauche. D'un côté, les socialistes se divisent. De l'autre, les écologistes et l'extrême gauche enragent. Mercredi en fin de matinée, Manuel Valls, en conférence de presse, annonce l'inscription dans la Constitution de la déchéance de la nationalité. Dans la foulée, un communiqué arrive de Solférino. «Le Conseil d'Etat a rappelé que cette déchéance ne porterait pas atteinte au principe d'égalité puisqu'il s'agit d'étendre une sanction déjà autorisée par le code civil pour les personnes devenues françaises par acquisition.»

«Stupéfaction». Mal à l'aise, la direction du PS se cache derrière le Conseil d'Etat pour justifier la décision de Hollande. La semaine passée, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, déclarait pourtant que cette idée «n'était pas une idée de gauche». La porte-parole du PS, Juliette Méadel, ne se mouille pas : «Je ne vois pas comment le Président pouvait revenir sur ses mots et ses engagements pris devant le Congrès après les attentats. Après, ce sera au Parlement de jouer son rôle.»

Mercredi, il n'a pas été simple de trouver des membres de la majorité pour défendre le choix du chef de l'Etat. Un élu, supporteur de Hollande, défend : «Ce n'est pas une surprise, le Président l'a annoncé au Congrès le 16 novembre, il tient ses promesses.» On éteint l'enregistreur. Le même élu, en off et gêné : «Cette décision va être compliquée à défendre à l'Assemblée, devant nos électeurs et nos partenaires de gauche. On aurait pu s'en passer. La rentrée va être tendue.» Seule la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS) a eu le courage de réaffirmer dans un tweet son «opposition à la déchéance de nationalité».

Pour recueillir des déclarations à visage découvert, il faut se tourner vers la gauche du PS. Le député des Yvelines, Benoît Hamon, lâche les mots «stupéfaction» et «sidération». «Lundi, j'ai eu la confirmation par un membre du gouvernement que l'extension de la déchéance n'était plus au programme et ce mercredi matin, ça nous revient en pleine face.» Il ajoute : «La lutte contre le terrorisme justifie-t-elle de créer deux catégories de citoyens nés sur le sol français. Où est passée l'unité nationale ?» Selon Hamon, Hollande et Valls sont dans «des calculs politiques» en vue de la présidentielle de 2017. A l'Assemblée, il votera contre le projet de loi.

«Cherchez l'erreur». Son collègue frondeur, Pouria Amirshahi, a été réactif. Il a envoyé un communiqué aux rédactions quelques secondes après la conférence de presse de Manuel Valls : «La déchéance de nationalité ne lutte en rien contre l'endoctrinement et le terrorisme, elle jette la suspicion sur certains compatriotes. […] Un gouvernement socialiste légitime ainsi les thèses du Front national.» Christian Paul, député de la Nièvre, est dans le même état d'esprit.«On a tous les arguments pour ne pas comprendre, ne pas accepter et ne pas voter.» Il poursuit : «Florian Philippot a prévenu que les députés du FN voteraient en faveur du projet de loi alors que beaucoup de parlementaires de gauche s'y opposeront : cherchez l'erreur.»

En dehors du PS, les mots sont encore plus durs. «Après les régionales, le gouvernement parlait d'union de la gauchepour combattre le FN. Aujourd'hui, ils pillent leurs idées. Désolé, mais dans ces conditions, l'union ça sera sans nous», prévient un dirigeant écologiste. Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de gauche, porte le coup de grâce : «En maintenant la proposition de déchoir de la nationalité française les binationaux nés Français, l'équipe Hollande-Valls a consommé sa propre déchéance morale.» A défaut de rassembler son camp, Hollande a réussi à faire l'union de la gauche contre lui.