Pour le «symbole», le gouvernement a choisi l'élargissement des déchéances de nationalité à tous les binationaux. Quant à l'«efficacité» de la lutte antiterroriste, Manuel Valls a annoncé mercredi matin une batterie de mesures, intégrées dans un projet de loi porté par la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Le texte devrait être présenté le 3 février en Conseil des ministres. Le sixième de cette nature depuis l'élection de François Hollande en 2012.
Un parquet tout puissant
Le parquet ressort très renforcé des propositions à l'étude. Placé sous l'autorité hiérarchique de la Chancellerie, il verra ses pouvoirs d'enquête accrus avec la possibilité d'ordonner des poses de micros ou de caméras. Jusqu'ici, un magistrat du siège, indépendant du pouvoir politique, devait les autoriser. Les perquisitions de nuit seront élargies aux domiciles pour les affaires de terrorisme et de criminalité organisée. Le gouvernement envisage aussi d'accéder à une demande formulée par le procureur de Paris lors d'une audition au Sénat le 9 décembre. François Molins se plaignait de ne pas pouvoir recourir à des techniques de surveillance pourtant permises aux services de renseignement, donc sans contrôle d'un juge. Il a été entendu. Le texte proposera que les magistrats puissent utiliser des Imsi-Catchers, ces valises espionnes qui captent les communications sur un périmètre donné.
Pouvoirs de police accrus
Pressé par les syndicats de police, Bernard Cazeneuve réfléchissait avant les attentats à une «modification des conditions d'engagement pour les policiers» ( Libération du 12 novembre). La rédaction finale n'est pas terminée, indique la Place Beauvau, mais l'idée serait de permettre aux policiers et aux gendarmes de tirer sur «des individus qui ont tué et s'apprêtent à le refaire», même s'ils ne menacent pas directement les forces de l'ordre. Autre piste de réflexion : des pointages obligatoires pour les personnes soupçonnées de s'être rendues en Syrie qui ne sont pas poursuivies par la justice. Même hors état d'urgence, les préfets pourraient superviser les contrôles d'identité autour de lieux sensibles, pour une durée déterminée.
Tracer les financements
Ce projet de loi comportera aussi des dispositions sur le financement du terrorisme, présentées fin novembre par Michel Sapin. Il souhaite empêcher l'achat anonyme de cartes bancaires prépayées et consolider les missions de Tracfin, le service de renseignement chargé de la lutte contre le blanchiment. La liste des établissements soumis au «droit de communication», l'obligation de transmettre des informations relatives à des opérations bancaires ou financières, va ainsi être élargie. Le gouvernement souhaite enfin enrayer le commerce d'antiquités enrichissant les groupes terroristes en créant une incrimination réprimant «le trafic de biens culturels». Quiconque en importera, en exportera ou en détiendra sera passible de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.