Matinée chargée pour le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, en déplacement en Corse ce mercredi : visite de la caserne des sapeurs-pompiers d'Ajaccio, du quartier des Jardins de l'Empereur où ont eu lieu les violences, et réunions avec des représentants du culte musulman et les élus insulaires. Avec un message, évoqué la veille par Manuel Valls dans les colonnes du Parisien : il n'y a «pas de zones de non-droit en Corse».
Si le ministre de l'Intérieur est arrivé à Ajaccio dans un climat apaisé, les violences qui se sont déroulées à la fin de la semaine dernière ont laissé des traces au sein de la population corse. Nombre d'insulaires, dans les rangs des manifestants et parmi les élus locaux, ont pointé du doigt la responsabilité des services de l'Etat qui, par leur manque d'action, ont, selon eux, laissé «pourrir la situation». Une responsabilité que le premier flic de France n'entend pas assumer, comme il l'a sous-entendu lors de son discours prononcé à la préfecture d'Ajaccio : «Parler de zones de non-droit lorsque la délinquance recule à force de volonté et de détermination des préfets et de ceux qui les secondent, c'est oublier la vérité des faits et contribuer par l'inconséquence à l'affaiblissement de l'Etat.»
Flambée xénophobe
Bilan statistique en main, le ministre a répondu à ses détracteurs : «A l'échelle de la Corse, […] les chiffres de la délinquance sont à la baisse. Je veux dire qu'ici à Ajaccio, comme sur le reste du territoire, aucun quartier n'a jamais été et ne sera jamais abandonné par l'Etat.» Le ministre a toutefois déclaré avoir pris en compte les doléances des habitants des Jardins de l'Empereur, qui dénoncent les agissements de quelques individus du quartier. Un «plan d'action spécifique» visant à «accroître la sécurité dans le quartier», allié à une politique de la ville supposée le «désenclaver». Invité à rencontrer les habitants des Jardins de l'Empereur, Bernard Cazeneuve a donné son sentiment sur la flambée xénophobe de la semaine passée : «Il n'y a en Corse de place ni pour la violence ni pour le racisme. Et je suis convaincu que c'est là la volonté de l'ensemble de ceux qui vivent en Corse.»
Contrairement à Manuel Valls qui a enjoint les nationalistes à «faire le ménage chez eux» dans le Parisien, Bernard Cazeneuve n'a pas demandé de comptes aux nouveaux élus de l'assemblée de Corse, pourtant présents lors de son déplacement. «Je sais que chacun dans cette salle déplore, comme je le fais moi-même, que l'image de la Corse ait pu être ternie ces jours derniers par les agissements de quelques-uns», a ainsi expliqué le ministre devant Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni.
Reçus à l'issue de la visite ministérielle pour évoquer la nouvelle mandature et les dossiers dont elle aura la charge, les présidents du conseil exécutif et de l'assemblée se sont dits «satisfaits» de l'échange. Assurant vouloir porter les grandes orientations politiques sur la co-officialité de la langue corse, l'inscription de la Corse dans la Constitution, le statut de résident et le statut fiscal. Dans un «dialogue apaisé», les élus de la collectivité territoriale ont également voulu répondre à Valls sur l'existence de la «nation corse». Le Premier ministre avait en effet déclaré, mardi : «Je ne ne sais pas trop ce que cela veut dire. Il n'y a qu'une seule nation, la nation française.» Un discours «tenu à l'attention de l'opinion française », selon Jean-Guy Talamoni. «Feindre de ne pas savoir que la Corse a été un Etat indépendant au XVIIIe siècle, qu'il y a un peuple corse qui est une réalité objective, je crois que c'est tourner le dos à l'évidence», a conclu Gilles Simeoni.