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Déchéance

«Apatridie ne vaut pas voyage dans le cosmos»: les vœux lunaires de Bruno Le Roux

Déchéance de nationalité, la polémiquedossier
Président d'un groupe socialiste à l'Assemblée massivement opposé à la déchéance de nationalité, il s'est montré désabusé mardi.
Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Bruno Le Roux, le 18 juin 2015. (Photo Bertrand Guay. AFP)
publié le 5 janvier 2016 à 19h04

Mais dans quel espace flotte donc Bruno Le Roux? Les vœux du patron du groupe socialiste à l’Assemblée avaient un petit côté lunaire mardi, dans un Palais Bourbon vide de ses députés et en grands travaux d’hiver. Par la grâce d’un déplacement à Las Vegas pour promouvoir la French Tech aux côtés du ministre de l’Economie en fin de semaine, le député de Seine-Saint-Denis a en effet programmé cette rencontre rituelle avec les journalistes alors que les parlementaires n’ont pas encore repris leurs travaux. Ce qui est finalement bien pratique vu la bataille qui fait rage dans la majorité sur la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux nés français.

Juste avant Noël, comprenant à l'instar de la quasi-totalité de l'état-major socialiste que la mesure était enterrée, Bruno Le Roux s'était déclaré contre la déchéance et pour une peine d'indignité nationale. Le 23 décembre, ce très proche de François Hollande a donc dû remballer son argumentaire en toute hâte. Et mardi, ce sont d'énormes rames qu'il a sorties pour expliquer que la seule issue était désormais la déchéance pour tous et non plus réservée aux seuls binationaux. Que, formulée ainsi, la mesure pouvait être approuvée «plus largement» voire «très largement» par les socialistes. Et que la majorité des trois cinquièmes des parlementaires nécessaire pour réviser la Constitution était «possible» sur le texte.

«Sans moi»

De même, il «pense qu'il existe un chemin» entre les conventions internationales pour fabriquer une mesure acceptable juridiquement. «La seule question qui peut se poser est celle, diplomatique, de l'impact sur l'image de la France, justifie un de ses proches. Et en fait, elle ne se pose peut-être même pas: tout le monde comprend qu'on a été attaqués et qu'il faut une solution à la hauteur de ce que nous avons subi.» Condamner les «clivages surjoués» ou la «division par tergiversation», ce n'est pas nouveau pour le président d'un groupe plus que tumultueux depuis l'hiver 2012. Mais cette année, les mots sonnent presque creux. Le Roux n'y met pas un dixième de la gniaque qu'on lui connaît. «C'est un président affaibli qui se retrouve à défendre une mesure à laquelle il ne croit pas», analyse un ministre lui aussi opposé à la déchéance de nationalité.

Pendant les vacances de Noël, le président Le Roux a vu les rangs des opposants à la mesure grossir. Une vingtaine de députés PS jusqu'alors «légitimistes» lui ont envoyé le message: «Sans moi». D'où la recherche d'un compromis sur la déchéance pour tous. «Un terroriste est d'abord un terroriste indépendamment de sa ou ses nationalités», fait valoir Le Roux. L'indignité nationale aurait pu constituer une porte de sortie plus honorable pour la gauche mais «ce n'est pas le choix qu'a fait le président de la République et je dois travailler dans la lignée de ce qu'a dit le président», ajoute-t-il. Comment convaincre ses ouailles alors? «Je ne me situe pas dans un débat uniquement interne au PS mais dans un triangle» entre majorité, opposition et Français, élude Bruno Le Roux. Mais que faire des terroristes condamnés et apatrides? Les emprisonner à vie? Les expulser? Silence du député, qui s'en tire avec une formule étrange: «Apatridie ne vaut pas voyage dans le cosmos.» Comprendre, les condamnés resteront en France. Un débat stratosphérique.