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Libération
Récit

Engagez-nous, qu’ils disent

Depuis les attentats de janvier et plus encore de novembre, associations et armées voient affluer les candidats.

Dans un centre de recrutement de l'armée, à Vincennes, le 20 novembre. (Photo Julien Pebrel. MYOP)
Publié le 08/01/2016 à 17h31

Faire quelque chose, se rendre utile. Le sentiment d'impuissance ressenti par beaucoup après les attentats de janvier et de novembre, s'est transformé en engagement, bénévole ou non, dans l'armée ou des associations. Au Secours populaire, Julien Lauprêtre, le président, a constaté une hausse des volontaires depuis un an, «même s'il est difficile de faire le lien de manière claire avec les attentats» : 2015 correspondait aussi au 70e anniversaire de l'association, et donc d'une grosse campagne de recrutement. «En revanche, il y a une évolution très nette : toutes les initiatives que nous lançons remportent un énorme succès, bien plus que d'habitude.»

«Déclic». Le père Noël vert - qui va dans les maisons où le père Noël rouge ne passe pas - a distribué cette année près de 400 000 colis (jouets, repas et autres), le double de l'année précédente. «Il y a cette contradiction aujourd'hui en France, entre d'un côté la hausse de la violence, l'expression de la haine, du racisme, et de l'autre, une nouvelle résistance sous la forme d'actes de solidarité», poursuit Julien Lauprêtre.

A la Croix-Rouge aussi, Christophe Talmet, responsable du pôle formation, constate un changement. «Une sorte de déclic, quelque chose qui a changé dans la tête des gens. Ils ont envie d'agir, de devenir acteurs d'une manière ou d'une autre.» Enclenché après les attentats de janvier, l'effet est devenu massif en novembre : le nombre de personnes inscrites aux stages de premiers secours a augmenté de 40 % la semaine du 16 novembre par rapport à une semaine classique. En Ile-de-France, de janvier 2015 à janvier 2016, 16 000 personnes ont été formées, contre 10 000 l'année précédente. «Et parmi les personnes qui suivent les stages, plusieurs disent vouloir s'engager sur le long terme, poursuit Christophe Talmet. Ce ne sont que des intentions pour l'instant, il faudra voir dans les prochains mois ce que ça donne, mais j'y crois.»

L'appel du drapeau. A la Protection civile de Paris, une association de secouristes reconnue d'utilité publique, toutes les marques d'intérêt post-attentats ne se sont pas concrétisées, mais les effectifs de bénévoles ont grimpé en 2015. Ils sont maintenant 606 à faire des maraudes, intervenir lors de compétitions sportives ou en soutien des pompiers. «Il y a un désir d'engagement pour devenir une sorte de réserviste, uniquement en cas d'urgence, pour les attentats. Mais les bénévoles doivent consacrer une vingtaine d'heures par semaine», souligne Pierre-Emmanuel Ranson, le directeur adjoint de l'association.

Même constat dans l'armée. «J'en ai marre de m'engager à moitié, j'ai besoin d'absolu», disait fin novembre Hadrien, élève infirmier de 23 ans rencontré dans un centre de recrutement. Il est loin d'être le seul à ressentir l'appel du drapeau et du képi. Le ministre de la Défense s'en est félicité devant ses troupes, le 2 janvier, aux Emirats arabes unis : «Les Français vous admirent […] et peut-être même certains vous envient.» Et de citer des chiffres mirobolants : 150 candidats au recrutement par jour en 2014, 400 après les attentats de janvier, et 1 500 aujourd'hui.

Toutes les armées séduisent. L'armée de terre a atteint son objectif de 15 000 nouveaux en 2015, 5 000 de plus que prévu. La marine a examiné presque trois fois plus de demandes, un chiffre dopé par une «séquence de communication privilégiée». L'armée de l'air a quant à elle reçu 30 000 candidatures remplissant les critères (âge, nationalité, etc.), contre 26 000 en 2014.