Sur le toit flotte un petit drapeau bleu, blanc, rouge. De loin, le lieu de culte s'identifie surtout à sa modeste coupole. Comme quelques centaines d'autres en France, la mosquée de Vigneux-sur-Seine (Essonne) a ouvert, ce week-end, ses portes au public à l'appel du CFCM (Conseil français du culte musulman). «Nous voulons commémorer l'esprit du 11 janvier, celui du vivre-ensemble et de la fraternité», explique Anouar Kbibech, son président. Et casser aussi les préjugés. A Vigneux, l'organisation est bien rodée. Le lieu de culte a l'habitude d'accueillir les non-musulmans pendant le ramadan ou lors de la journée du patrimoine.
Quelques jeunes femmes sont venues en renfort. Comme Sarah, étudiante, qui habite Draveil mais qui fréquente régulièrement cette mosquée. Avec d'autres, elle sert les gâteaux. «C'est l'occasion de parler de notre religion directement avec des personnes qui ne la connaissent pas ou à travers ce qu'en disent les médias, qui déforment les choses», explique-t-elle. La mosquée de Vigneux est indépendante, sans affiliation à aucune des grandes fédérations qui composent le CFCM. Mais elle a voulu quand même participer à l'opération. «C'est important de tisser des liens dans le contexte où nous nous trouvons», appuie son président, Saïd Djzri, médecin gériatrique de métier.
«C'était l'occasion de rentrer»
A l'entrée de la salle de prière, chacun se déchausse. Les femmes, du moins celles qui visitent les lieux, ne sont pas obligées de se couvrir la tête. La journée a démarré un peu mollement. «C'est le premier week-end des soldes. Une rude concurrence pour nous», pointe Sébastien, jeune quadra qui s'est converti à l'islam. Il prend en charge des petits groupes pour les visites. Dans l'après-midi, l'affluence s'épaissit. Marie et Yannick, un jeune couple d'à peine trente ans, sont venus en voisins. «On passe devant tous les jours, dit la jeune femme. C'était l'occasion de rentrer.» Parmi les visiteurs, la plupart ont déjà mis les pieds dans une mosquée. Mais en voyage, loin, en Egypte ou au Maroc. Très peu ont poussé la porte d'un lieu de culte musulman en France. «Nous avons l'habitude de rentrer dans les églises car nous y avons nos marques. Mais pour les mosquées, nous n'osons pas trop parce qu'on a peur de déranger, parc que nous ne savons ne sait pas non plus si elles sont ouvertes à tout le monde», reconnaissent Joëlle et Michel.
Pour faire connaître l'opération, quelques bénévoles ont distribué des tracts à la gare. Nathalie, elle, l'a appris par la presse. Habitant l'Essonne, elle a cherché un peu pour trouver le «bon» endroit. «J'ai téléphoné à la grande mosquée d'Evry, raconte-t-elle. Mais ils n'assuraient pas de visites.» Elle est venue avec ses deux filles. «Mon objectif, c'est de leur ouvrir l'esprit», dit-elle. Retraitée, Sophie accompagne sa bande de copines de Qi Jong (gymnastique traditionnelle chinoise). «L'une des membres de notre groupe, Fatima, nous a prévenues de la journée portes ouvertes», dit-elle.
«Cela ne me plaît pas trop»
Dans la salle de prière, une dizaine de panneaux racontent l'histoire du prophète et les origines de l'islam. Ils servent de support aux visites guidées par Sébastien. Les groupes écoutent plutôt sagement. Devant le mihrab, une niche richement décorée qui indique la direction de La Mecque et où se place l'imam, Sébastien détaille les heures de prières. «La mosquée peut accueillir jusqu'à mille personnes», détaille-t-il. A l'étage, il y a une mezzanine réservée aux femmes, dissimulées au regard par des claustras en bois. «Cela ne me plaît pas trop», lâche Sophie. Les questions commencent à fuser. Jean-Luc met les pieds dans le plat. «Quelles sont les raisons philosophiques pour lesquelles les femmes et les hommes ne prient pas ensemble ?», interroge-t-il. De part et d'autre, le ton est courtois. Sébastien s'en sort plutôt bien. Il invoque surtout des raisons de pudeur. «Il y a quelques mosquées en France où les hommes et les femmes prient dans la même salle», poursuit-il. Jean-Luc insiste et demande pourquoi la mosquée de Vigneux-sur-Seine ne montre pas l'exemple dans cette ouverture. La conversation bifurque vers autre chose. «Je suis venue voir s'il y avait ou non du prosélytisme, reconnaît Sophie. Pour le moment, de ce que j'ai entendu, ce n'est pas le cas.» Avant de repartir, elle prend un livre sur la vie du Prophète, distribué gratuitement par la mosquée.
En fin d’après-midi, c’est l’heure des officiels et des discours. Bloqué à Saint-Ouen-l’Aumône (Val d’Oise) qui accueillait Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, le président du CFCM arrive en retard pour les écouter. Mais il a le temps de se joindre à la prière de la fin de journée. Dimanche, il file à Nancy. Pour une autre visite de mosquée, pour d’autres portes ouvertes…