Menu
Libération
Réversibilité

Comment transformer des bureaux en logements, en hôtels, en ce qu'on veut... (sans peine)

Trop de bureaux, pas assez de logements: les constructeurs réfléchissent sur de malins systèmes de construction permettant des transformations d'usage plus efficaces et moins ruineuses qu'aujourd'hui.
A Toulouse en août 2011. (Photo Pascal Pavani. AFP)
publié le 11 janvier 2016 à 14h59

C'est un classique de la vie des villes: les logements manquent tandis que les bureaux vacants s'accumulent. Un classique tellement absurde qu'il paraît logique de fabriquer des logements pleins à partir de bureaux vides. Sauf que… c'est cher et compliqué. Les immeubles haussmanniens, qui avaient été conçus pour loger les familles bourgeoises du XIXe siècle et hébergent aujourd'hui des cabinets d'avocats, peuvent revenir vers leur première destination sans trop de difficultés. Mais pour les bureaux des années 70 ou 80, c'est une autre chanson.

Déjà obsolètes comme lieux de travail, généralement passoires thermiques, ils coûtent les yeux de la tête à transformer. Le promoteur Altaréa-Cogedim a fait cette expérience avec une grande tour à Courbevoie, Sky, et n’a pas caché que cela n’avait pas été simple. Ce type de réalisation relève davantage du prototype que de la solution. Que faire alors?

Avec le parc existant, les marges de manœuvre sont faibles et les aménageurs ou les municipalités ne peuvent agir qu’au cas par cas. Ce n’est pas en reconvertissant de vieux bureaux que l’on résoudra la crise du logement. En revanche, les immeubles à construire peuvent se révéler prometteurs si leur transformation ultérieure est prévue dès la conception. Vinci Construction France a mis au point un système qui ménage l’avenir, avec le cabinet d’architecure Canal et le spécialiste de la planification des espaces Génie des lieux.

Philippe Robart, directeur ingénierie et innovation chez Vinci Construction France, explique que la démarche est partie de questions multiples. D'une réflexion «sur la mutabilité de la ville», autrement dit sa capacité à se reconstruire sur elle-même. Mais aussi d'une interrogation sur les bureaux, «sur la façon dont on vit dans ces espaces. La proposition la plus courante, remarque-t-il, est un grand plateau en open space qui est source de fatigue». S'ajoute à cela «un noyau central sombre et des salariés à leurs bureaux près des fenêtres. Le code du travail prévoit que les salles de réunion peuvent être aveugles car le salarié n'est pas supposé y passer plus de deux heures par jour. Mais si l'on travaille de plus en plus sur un mode collaboratif, il est difficile de dire que les salariés ne vont être en réunion que deux heures par jour et qu'il n'est pas grave que le lieu ne bénéficie pas d'éclairement naturel. Enfin, si l'on veut faire des logements plus tard, le noyau central ne marche pas du tout. Il nous gêne en bureaux comme en logements».

Noyau central

Les intérêts des salariés et ceux des futurs habitants peuvent ainsi converger. A condition que les investisseurs immobiliers, profession un rien conservatrice, acceptent d’abandonner leurs habitudes, dont celle du noyau central. Pouvoir transformer des locaux est pourtant dans leur intérêt, car il est économiquement plus intéressant d’y placer de nouveaux usagers que de les conserver vides et de n’encaisser aucune recette. La réversibilité peut être un moyen de limiter les effets des cycles de l’immobilier qui provoquent régulièrement des stocks de bureaux vides tandis que dans les zones tendues, ce sont les logements qui manquent.

En outre, la flexibilité est un bon calcul. Elle oblige à abandonner les faux plafonds qui diminuent la hauteur des pièces. Elle gagne des surfaces en supprimant le noyau central (voir la vidéo). «Au total, conclut Philippe Robart, il y a plus d'économies que de surcoût. Et le jour où l'on veut changer l'usage du bâtiment, le gain est considérable.»

Les villes commencent à regarder avec intérêt ce type d’approche pour les immeubles neufs. Car même si elles s’offrent volontiers des reconversions de bâtiments industriels en splendides équipements culturels, celle des vieux bureaux en logements d’aujourd’hui reste une rareté.