Relaxe générale dans le volet dit des «écoutes» de l'affaire Bettencourt. L'ancien majordome de l'héritière de L'Oréal et cinq journalistes de Mediapart et du Point étaient poursuivis pour «atteinte à l'intimité de la vie privée». Le premier, Pascal Bonnefoy, pour avoir enregistré clandestinement sa patronne entre mai 2009 et mai 2010, à l'aide d'un dictaphone caché dans son bureau. Les journalistes, pour en avoir publié ou diffusé des extraits en juin 2010, lançant ainsi une des plus grosses affaires judiciaires de l'ère Sarkozy.
Ces écoutes avaient permis de révéler le climat qui régnait autour des affaires de Liliane Bettencourt, entre abus de faiblesse, soupçons de fraude fiscale et collusions politiques. Très attendu, l'épilogue de cette interminable affaire constitue incontestablement une victoire pour le droit d'informer et la liberté de la presse. Edwy Plenel, le patron de Mediapart, s'en est aussitôt félicité dans un tweet : «Le jugement de Bordeaux […] remet la justice sur ses rails.»
Si le délit d'atteinte à la vie privée apparaît caractérisé, le président du tribunal, Denis Roucou, a estimé que cette atteinte devenait «relative» «dès lors que «l'intérêt général est en jeu». En clair : aussi illégaux soient les enregistrements du majordome, ils sont légitimés par la vérité judiciaire qu'ils ont contribué à faire surgir. Une condamnation dans ce volet aurait été d'autant plus surprenante que ces enregistrements ont servi de preuves à la justice. Certes, le volet politique de l'affaire a tourné court, Nicolas Sarkozy ayant bénéficié d'un non-lieu et Eric Woerth d'une relaxe à l'issue de son procès pour «trafic d'influence». Mais dans le volet «abus de faiblesse», huit des dix proches de Liliane Bettencourt ont été lourdement condamnés, dont le photographe François-Marie Banier, qui a fait appel. Restait donc le cas de ceux par qui le scandale est arrivé, l'auteur des enregistrements et les médias qui leur ont donné un écho.
Lors du procès, le majordome avait juré ne pas être un «maître chanteur», expliquant avoir effectué ces écoutes «afin de se défendre et de se protéger». Le tribunal de Bordeaux a estimé qu'il n'avait «à aucun moment bénéficié des enregistrements», les attendus évoquant même un «acte socialement utile». Quant aux journalistes, le tribunal a relevé le «caractère sérieux [de leur] travail d'enquête», estimant que «les articles ont participé au débat d'intérêt général et sociétal». Le parquet a dix jours pour faire appel.