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Libération
Éditorial

Solidarité

publié le 13 janvier 2016 à 19h41

Comment tolérer qu’en France, soixante-dix après la fin de la guerre, des juifs soient obligés de se cacher ? L’incroyable régression induite par le terrorisme islamiste, au-delà de l’horreur suscitée par ses crimes, a quelque chose de glaçant. Il n’y a qu’un remède - symbolique mais essentiel - à cette situation consternante : rappeler la solidarité fondamentale de la nation avec les Français juifs menacés par ce nouvel antisémitisme. Il existe un pacte biséculaire entre la République et la communauté juive. L’émancipation fut décidée pendant la Révolution. Et c’est toujours quand les valeurs républicaines ont été contestées - ou la République abolie, pendant l’Occupation - que l’antisémitisme a pu exercer son influence mortifère. Légal dans l’espace public (comme la croix chrétienne ou le foulard islamique), le port de la kippa est un droit élémentaire.

On comprend les conseils de prudence prodigués par telle ou telle autorité juive locale. Mais la réaction des représentants nationaux des juifs français, qui refusent d'abdiquer devant la menace, est la bonne. Il revient à l'Etat d'assurer la sécurité des minorités françaises, quelles qu'elles soient. Et qu'on évite d'agiter on ne sait quelle concurrence des victimes, en disant une fois pour toutes que sur le territoire de la République, tout citoyen victime des mêmes faits, quelle que soit sa religion ou son origine, a droit à la même solidarité. Paradoxalement, d'ailleurs, les cibles de l'Etat islamique incitent, si besoin était, à cette solidarité fondamentale. En visant «les juifs, les croisés [c'est-à-dire les chrétiens, ndlr] et les apostats [c'est-à-dire les musulmans qui refusent l'intégrisme]», les terroristes annoncent leur vraie motivation : une haine indistincte pour tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Contrecarrer le terrorisme, c'est aussi refuser la logique communautaire.