«Une affaire de stups comme on les apprécie.» Les mots sont de Christian Sainte, le patron de la PJ parisienne, venu poser jeudi devant les 41 kilos de cocaïne saisis la semaine dernière à l'aéroport d'Orly. L'épilogue d'une enquête de plusieurs mois menée, une fois n'est pas coutume, par un service territorial, le 1er DPJ de Paris. La drogue a été interceptée le 8 janvier dans un avion en provenance de République dominicaine. Elle était planquée dans deux valises positionnées dans la zone de vrac, et discrètement siglées afin d'être reconnues par les trafiquants. Si le patron du «36» a le sourire, c'est moins en raison de la quantité interceptée (plus de 300 kilos de poudre viennent d'être saisis par les douaniers du Havre) que pour l'ampleur du réseau démantelé. De ce point de vue, l'affaire du 1er DPJ apparaît assez exceptionnelle dans son degré d'organisation. Ces derniers jours, six personnes ont déjà été mises en examen et placées en détention provisoire, dont trois bagagistes travaillant à l'aéroport d'Orly.
Le mode opératoire des trafiquants était parfaitement rodé. La drogue était réceptionnée par les bagagistes à son arrivée à Orly, puis extraite de la zone aéroportuaire grâce à des véhicules de location. Stockée dans le XIe arrondissement, la marchandise était ensuite revendue à différents endroits de la capitale, notamment dans la zone de sécurité prioritaire (ZSP) du XIXe arrondissement, dans le quartier de Stalingrad. A la vente au détail, la drogue saisie est estimée à 2 millions d'euros. Les enquêteurs insistent sur l'aspect très structuré du réseau, notamment dans la logistique mise en oeuvre. Aiguillés par la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP), les policiers ont ainsi découvert en perquisition une quarantaine de téléphones portables et des brouilleurs d'ondes. L'instigateur du réseau, un «malfaiteur chevronné» bien connu des services de police, travaillait princpalement avec deux complices. Son lieutenant était un ami d'enfance. Et l'oncle de ce dernier servait de «nourrice» pour garder la drogue avant sa revente. Les trois bagagistes venaient compléter ce dispositif, actif depuis au moins six mois. Par souci de cloisonnement, aucun d'entre eux ne connaissait le commanditaire.
En général, les grosses affaires de drogue entre la France et les Caraïbes sont confiées à l'Office des stups de Nanterre ou à la Brigades des stups de Paris. Mais ces derniers mois, les deux services ont été épinglés pour leurs liens troubles avec certains indics ou en raison de leurs méthodes d'enquête, notamment celle dite du «coup d'achat». Cette technique consiste à provoquer l'infraction et/ou à laisser passer les trafiquants à plusieurs reprises avant de les «taper» pour des plus grosses quantités. Cette fois-ci, rien de tel. «Une affaire parfaitement orthodoxe», jure une source proche du dossier. D'autant plus exceptionnelle, donc.