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Libération
EDITORIAL

Compromis

publié le 14 janvier 2016 à 19h21

Beaucoup d’îles à travers le monde, quoique rattachées à un Etat, jouissent d’un statut particulier. Pour prendre un exemple lointain, l’île de Jersey, partie intégrante du Royaume-Uni, bat sa monnaie, reliée à la livre sterling et vote des lois qui lui sont propres. Et pour se rapprocher, on observe que la Sardaigne vit depuis longtemps sous un statut d’autonomie spéciale. Sachant cela, voyant aussi qu’un monde fait d’Etats-nation cède peu à peu la place à une planète aux organisations plus souples, régionales ou multinationales, il y a peu de place pour l’intégrisme jacobin d’une partie de la classe politique française. Conquise au terme d’une sanglante expédition royale, la Corse a gardé sa personnalité. Une langue, des coutumes, une histoire qui remonte à l’empire romain : personne ne peut nier l’originalité du peuple corse, pour lequel Jean-Jacques Rousseau rédigea une des premières constitutions démocratiques de l’époque moderne. Ainsi la discussion entre Paris et les autorités élues en Corse doit-elle se placer sous le signe de l’intelligence historique et du compromis. Le statut de la Corse doit évoluer et ses revendications culturelles écoutées, sinon toutes entendues. Cette nécessaire bienveillance rencontre toutefois une limite : la volonté des Corses eux-mêmes. Les nationalistes qui dirigent désormais la région ont obtenu un peu plus d’un tiers des suffrages, beau succès. Cela signifie aussi que les deux tiers des Corses ne sont pas nationalistes et conçoivent l’avenir de leur île au sein de la République française. Ils sont attachés à la France, dont ils partagent le destin depuis plus de deux siècles. Aussi bien, ils se méfient de groupes politiques qui ont longtemps réglé leurs différends à coups de revolver, qui ont justifié, tel Jean-Guy Talamoni, l’action violente et qui défendent aujourd’hui une conception fermée et intolérante de l’identité corse. La Corse sera indépendante le jour où la majorité des habitants de l’île en auront librement décidé. En attendant, elle doit s’inscrire, avec des aménagements légitimes, dans les lois républicaines qui sont le lot commun des citoyens français.