Elle a «toujours été contre». Mieux, elle va la «combattre». Jeudi à Lille, Martine Aubry a rappelé son opposition frontale au projet du gouvernement d'inscrire dans la Constitution la déchéance de nationalité et de l'étendre aux binationaux nés français condamnés pour actes de terrorisme.
«J'entends dire, c'est un symbole. Un symbole de quoi ? Un symbole, c'est quelque chose qui unit. Quelque chose qui grandit», lance-t-elle du salon d'honneur de la mairie, lors de ses vœux à la presse.
«La déchéance de nationalité, elle divise, elle stigmatise, elle porte atteinte à un élément majeur d'égalité devant le droit du sol, qui est un des fondements de la République française», poursuit-elle. «Faire des apatrides, ce ne serait pas grave, maintenant ?» Mais quid de la parole du chef de l'Etat qui a fait cette proposition le 16 novembre devant le Congrès, à Versailles, au nom de l'union nationale ? «L'obstination est mauvaise conseillère, envoie-t-elle à François Hollande. Il faut aujourd'hui renoncer. Renoncer à ce qui est ni efficace ni opérant. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Premier ministre.»
L'ex-première secrétaire du PS consacre une longue partie de ses vœux à cette question : «Je ne comprends pas pourquoi on s'égare depuis un mois […] pour courir derrière je-ne-sais-qui» sur ce sujet au lieu «d'expliquer aux Français les mesures de lutte contre le terrorisme».
Les sondages, qui donnent une majorité de personnes favorables à la mesure ? «Si vous demandez aux Français s'il faut torturer les terroristes, ils vous diraient oui !» poursuit-elle avant de faire référence à François Mitterrand en conseillant à l'Elysée et Matignon de «ne pas gouverner avec les sondages. […] C'est la différence entre un homme politique et un homme d'Etat», claque-t-elle.
L'ancienne ministre de l'Emploi réserve sa seconde salve à la politique économique du gouvernement. Elle demande à Manuel Valls de «tirer toutes les conséquences» du fait que les entreprises ont désormais refait leurs marges grâce au «pacte de responsabilité» et au crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). «Faut-il continuer à verser les 15 milliards sur les 40 qui restent à verser à des entreprises dont un grand nombre n'ont pas respecté les engagements qu'elles avaient pris ?» interroge-t-elle, souhaitant qu'on abonde avec cette somme un «fonds de soutien aux collectivités». Une proposition qu'elle fait depuis des mois dans le désert, mais qu'importe : «Je ne renonce pas quand je crois que ce que je dis est juste», prévient-elle.